J'ai été appelé à animer, lundi dernier (le 24 septembre) un atelier dans le cadre de la « Journée interdisciplinaire de la relève artistique montréalaise » organisée par le Conseil des arts de Montréal dans le cadre de la démarche « Outiller la relève artistique montréalaise 2005-2007 » dirigée par le Forum jeunesse de l'île de Montréal.
L'atelier avait pour thème « Prendre la parole pour influencer et même transformer le système culturel actuel ». Les panélistes, Annie Ranger théâtre), Catherine Nadeau (danse), Kim Robert (cirque), Marie-Josée Saint-Pierre (cinéma), Marilyn Perreault (théâtre) et Martin Choquette (coprésident de Diversité artistique Montréal), ont fait part de leurs tentatives d'influencer le cour des choses en prenant la parole en divers lieux, et notamment au sein de divers conseils d'administration. Plus de 20 personnes issues de divers milieux et de diverses disciplines (du chant de gorge à la bande dessinée) participaient à l'atelier. Les échanges furent asez intéressants et m'ont inspiré les réflexions et questions qui suivent :
- Comment les artistes qui sont en tournée ou « en pleine création » font-ils pour s'impliquer et prendre la parole, que ce soit au sein des regroupements, syndicats et associations ou dans les concertations, instances locales, régionales ou autres ?
- Sommes-nous déjà en train de créer au sein même de la relève, une clase de « professionnels de la représentation et de la prise de parole » ?
- Ceux et celles qui « prennent la parole » détiennent-ils des mandats suffisamment clairs des personnes qu'ils représentent ?
- Le rythme du « cycle décisionnel » des instances comme la Conférence régionale des élus (CRÉ) ou Culture Montréal, ou celui des consultations des gouvernements et des administrations municipales est-il compatible avec celui de la vie associative des regroupements d'artistes ?
- Selon quels critères un artiste (ou un regroupement d'artistes) peut-il choisir les lieux d'implication ou de prise de parole ?
- Comment un artiste peut-il évaluer la « valeur » ou l'« efficacité » de son implication et de ses interventions ?
- Comment un groupe d'artistes (qu'il s'agisse d'un simple « collectif » ou d'un regroupement local, régional ou national) peut-il évaluer la nécessité de participer à telle ou telle activité de représentation et les retombées d'une activité de ce genre ?
- Les activités liées à la prise de parole et à l'implication représentent un investissement substantiel de temps, de ressources et d'énergie (donc, directement ou indirectement, d'argent) pour l'artiste ou le groupe d'artistes). On parle souvent de la conciliation famille/travail. Peut-être faudrait-il réfléchir aux problèmes de conciliation pratique artistique/prise de parole.
- Je m'inquiète d'entendre tant parler de « responsabilisation » des artistes. Comme si les artistes étaient irresponsables. Je m'étonne que l'on ne mentionne pas que la « responsabilisation » ne peut pas et ne doit pas être à sens unique : les pouvoirs publics et le monde des affaires ont eux aussi des responsabilités. Cette utilisation du mot « responsabilisation » me rappelle le discours tenu par les milieux gouvernementaux au monde communautaire il y a quelques années, et qui a présidé au désengagement de l'État de divers champs d'intervention. Je pense encore à ce que la « responsabilisation » a produit dans le domaine du « développement régional » à travers le Québec.
- Je songe aussi à un autre aspect de la « responsabilisation » : la responsabilisation des spécialistes de la représentation et de la prise de parole (ces gens qui siègent à plusieurs conseils d'administration et que l'on retrouve dans tous les colloques et dans toutes les concertations) envers ceux et celles qu'elles prétendent représenter. Voici d'ailleurs un aspect de la « gouvernance » sur lequel il faudrait se pencher très attentivement.
- Il faudrait aussi souligner que les jeunes, artistes ou pas, sont sollicités de toutes parts. Les occasions de prendre la parole et de s'impliquer sont multiples : conseils d'établissements scolaires ou de santé, conseils d'administration de centres de la petite enfance (CPE), organismes communautaires, groupes écologiques, etc.
- De plus, comme tout citoyen, il arrive qu'un artiste (jeune ou pas) veuille participer ou assister aux débats de son conseil d'arrondissement ou d'autres instances semblables. S'il est membre (comme il se devrait) de l'un ou l'autre des syndicats d'artistes (UDA, Guilde, UNEQ, etc.), il est tout naturel (et important) qu'il participe à la vie syndicale (assemblées générales, comités, assemblées sectorielles, etc.). Tout ceci en plus du travail de recherche et de création, des réunions de production, des répétitions et du travail « alimentaire » qui est la plupart du temps précaire, occasionnel ou « sur appel ».
- Enfin, il y a toujours la question de l'argent : en général, les artistes « individuels » participent bénévolement et à leurs propres frais aux activités de représentation, aux colloques, aux conseils d'administration, alors que les représentants d'organismes, d'associations et de syndicats sont souvent payés pour ce faire, ces activités faisant partie de leur « charge de travail » (il en va de souvent de même pour les gens du milieu des affaires, et c'est toujours le cas pour les fonctionnaires et le personnel politique)). Il y a ici, me semble-t-il, matière à réflexion.
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