mercredi 23 juillet 2008

De la bonne conduite d’une occupation militaro-policière, selon Clausewitz

Écrivant à propos de la campagne d'Italie de 1799, Clausewitz notait ceci à propos de la conduite des autorités françaises :

« Ni le Directoire français, ni son représentant à Naples […] ne croyaient devoir prendre en considération les intérêts locaux, et l'on agit, aussi bien en ce qui concerne les confiscations et les extorsions que les institutions nouvelles, de manière à irriter l'opinion publique contre les Français et à amener une résistance ouverte. […]

Tout ce qui avait existé de pouvoirs exécutifs, de troupes et de police, avait été dissous comme instrument du régime précédent, parce qu'en raison des mauvaises dispositions de l'ensemble, on ne voulait avoir confiance en aucun de ces corps. […]

Tandis que le nouveau gouvernement ne disposait d'aucune espèce de force, une foule de gens inoccupés et sans pain […] étaient pris au service de ceux qui songeaient à une réaction. »

Il suffit de remplacer, dans ce texte, « le Directoire français » par « l'OTAN » (pour l'Afghanistan) ou « le gouvernement américain » (pour l'Irak), « son représentant à Naples » par « leurs représentants en Afghanistan (ou en Irak) », pour avoir une fort bonne description de la dynamique actuelle en Afghanistan et en Irak.

Par ailleurs, on peut supposer que cette analyse de Clausewitz a inspiré (la tradition militaire allemande étant ce qu'elle est) les dirigeants des SS et de la Gestapo. En effet, ces derniers ont su laisser en poste, dans tous les cas où la chose était possible, les dirigeants des forces policières des pays conquis par la Wehrmacht, ainsi que les appareils administratifs et judiciaires qu'ils contrôlaient… ou qu'ils croyaient contrôler ou pouvoir contrôler.

On se prend à faire des cauchemars (qui pour certains seraient des rêves) : imaginez, après une victoire allemande à Stalingrad, les merveilles qu'auraient pu accomplir ensemble Himmler et Beria alors que Staline aurait été en exil à Londres !

Nids d'hirondelles et miroir aux alouettes


 


 

Nombreux sont ceux (et celles, bien sûr) qui spéculent (c'est le mot !) sur l'impact de la présence à Pékin « de centaines, de milliers, de journalistes » à l'occasion des Coubertinades d'août 2008. Certains prédisent que cette présence provoquera une grande et magique « ouverture », qu'elle révélera plein de choses, qu'elle aura un effet « libérateur » sur l'Empire du Milieu, qu'elle intimidera les seigneurs de la nouvelle Cité interdite à tel point qu'ils relâcheront leur étreinte sur la « société civile » chinoise.

Pourtant, pas besoin d'être Nostradamus pour savoir ce que sera « l'impact journalistique ». Il suffit d'habiter, comme moi, dans ce qu'on appelle « la Cité des ondes »… autrement dit, dans le Centre-Sud de Montréal, aux abords des quartiers dits généraux de CBC/SRC, de TVA, de Global, de CTV/Globemedia, de Télé-Québec et de quelques autres entreprises de TSF.

Quand on habite le quartier, on sait ce qui arrive là où il y a, jour après jour, « des centaines de journalistes ».

En effet, des centaines de journalistes circulent chaque jour dans notre quartier… et on n'entend jamais un traître mot sur l'environnement immédiat de la « Cité des ondes », sauf en cas de bavure policière particulièrement grossière, de manifestation grave d'insatisfaction de la part de « résidants », ou quand une quelconque association de commerçants, la mairie d'arrondissement ou des organisateurs/trices de festival émettent des communiqués jovialistes.

Je me souviens encore d'un matin d'hiver où on ne pouvait pas même sortir chercher les journaux tellement le trottoir était gelé dur, et où les voitures se tamponnaient à qui mieux-mieux rue Sainte-Catherine sur la glace vive. À l'antenne, tous les chroniqueurs de trafic disaient qu'il n'y avait pas de problème…

On ne parlera pas non plus de l'absence quasi totale de « couverture » des opérations policières particulièrement violentes et à la limite de l'illégalité menées quotidiennement par les forces dites « de l'ordre » dans le secteur.

De même les centaines de journalistes de TVA, de TQc, de la SRC et de tout le reste ne diffusent jamais quoi que ce soit à propos des racketteurs qui sévissent dans le quartier et qui se présentent comme des « promoteurs immobiliers » et des « gestionnaires de restaurants ».

Facile de prévoir ce que nous offrirons les milliers de journalistes qui iront en mission à Pékin : une version mise à jour du Livre des merveilles de Marco Polo, la vidéo en plus et les gravures en moins.