jeudi 20 septembre 2007

Quand j'entends le mot «société civile», je sors mon dictionnaire!

1. Depuis quelques années, on parle beaucoup de « société civile », de « collectivités » et de « communautés ». Il s’agit là de concepts mous utilisés à toutes les sauces, tant par les « gens de gauche » qui disent s’opposer, par exemple, à la mondialisation que par les « gens de droite » près de mouvances assimilées, par exemple, au communautarisme et à la mondialisation.
2. Les apprentis sorciers (et sorcières) qui se mobilisent sous l’enseigne de la « société civile » doivent être rappelés à l’ordre. Pour ce faire, il ne faut pas lésiner sur les moyens : nous allons utiliser l’artillerie lourde. Rien de mieux que le vieil Hegel, celui qui avait si justement identifié l’Amérique comme « l’avenir du déploiement de la raison »… et qui a du même coup identifié les limites de la « société civile » parce que, selon lui, en Amérique l’État était résorbé dans la société civile. [1]

3. Dans l’Encyclopédie, Hegel décrit ainsi la société civile : « une simple corrélation universelle, médiatrice, entre des extrêmes autonomes et leurs intérêts particuliers ; la totalité de cette corrélation, développée en elle-même, est l’État comme société civile, comme État extérieur.[2] » Cet État extérieur, c’est « l’État du besoin et de l’entendement »[3]. Et qu’y a-t-il au cœur de la société civile? C’est tout simple : « La personne concrète, mélange de nécessité naturelle et de volonté arbitraire est le principe premier de la société civile.[4] » Dans la société civile, « les individus sont des personnes privées qui ont pour but leur intérêt propre.[5] »

4. Pour Hegel, la société civile est un produit spécifique de la modernité, de cette époque où la société bourgeoise a su se séparer complètement de l’État. Hegel nous met en garde contre la société civile, cette société bourgeoise : pour lui, si aucune entrave ne gêne l’activité de cette société, « on peut la concevoir comme une croissance continue de la population et de l’industrie ». Pour Hegel, il s’agissait là d’un péril grave, car « […] malgré son excès de richesse, la société civile n’est pas assez riche, […] elle ne possède pas assez de biens pour payer tribut à l’excès de misère et à la plèbe qu’elle engendre. »



[1] Soit dit en passant, il est toujours bon de revenir à Hegel. Même Camus disait que « la première critique fondamentale de la bonne conscience, nous la devons à Hegel. »
[2] Encyclopédie, § 523
[3] Philosophie du droit, § 183
[4] Philosophie du droit, § 182
[5] Philosophie du droit, § 187

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