mercredi 23 juillet 2008

De la bonne conduite d’une occupation militaro-policière, selon Clausewitz

Écrivant à propos de la campagne d'Italie de 1799, Clausewitz notait ceci à propos de la conduite des autorités françaises :

« Ni le Directoire français, ni son représentant à Naples […] ne croyaient devoir prendre en considération les intérêts locaux, et l'on agit, aussi bien en ce qui concerne les confiscations et les extorsions que les institutions nouvelles, de manière à irriter l'opinion publique contre les Français et à amener une résistance ouverte. […]

Tout ce qui avait existé de pouvoirs exécutifs, de troupes et de police, avait été dissous comme instrument du régime précédent, parce qu'en raison des mauvaises dispositions de l'ensemble, on ne voulait avoir confiance en aucun de ces corps. […]

Tandis que le nouveau gouvernement ne disposait d'aucune espèce de force, une foule de gens inoccupés et sans pain […] étaient pris au service de ceux qui songeaient à une réaction. »

Il suffit de remplacer, dans ce texte, « le Directoire français » par « l'OTAN » (pour l'Afghanistan) ou « le gouvernement américain » (pour l'Irak), « son représentant à Naples » par « leurs représentants en Afghanistan (ou en Irak) », pour avoir une fort bonne description de la dynamique actuelle en Afghanistan et en Irak.

Par ailleurs, on peut supposer que cette analyse de Clausewitz a inspiré (la tradition militaire allemande étant ce qu'elle est) les dirigeants des SS et de la Gestapo. En effet, ces derniers ont su laisser en poste, dans tous les cas où la chose était possible, les dirigeants des forces policières des pays conquis par la Wehrmacht, ainsi que les appareils administratifs et judiciaires qu'ils contrôlaient… ou qu'ils croyaient contrôler ou pouvoir contrôler.

On se prend à faire des cauchemars (qui pour certains seraient des rêves) : imaginez, après une victoire allemande à Stalingrad, les merveilles qu'auraient pu accomplir ensemble Himmler et Beria alors que Staline aurait été en exil à Londres !

Nids d'hirondelles et miroir aux alouettes


 


 

Nombreux sont ceux (et celles, bien sûr) qui spéculent (c'est le mot !) sur l'impact de la présence à Pékin « de centaines, de milliers, de journalistes » à l'occasion des Coubertinades d'août 2008. Certains prédisent que cette présence provoquera une grande et magique « ouverture », qu'elle révélera plein de choses, qu'elle aura un effet « libérateur » sur l'Empire du Milieu, qu'elle intimidera les seigneurs de la nouvelle Cité interdite à tel point qu'ils relâcheront leur étreinte sur la « société civile » chinoise.

Pourtant, pas besoin d'être Nostradamus pour savoir ce que sera « l'impact journalistique ». Il suffit d'habiter, comme moi, dans ce qu'on appelle « la Cité des ondes »… autrement dit, dans le Centre-Sud de Montréal, aux abords des quartiers dits généraux de CBC/SRC, de TVA, de Global, de CTV/Globemedia, de Télé-Québec et de quelques autres entreprises de TSF.

Quand on habite le quartier, on sait ce qui arrive là où il y a, jour après jour, « des centaines de journalistes ».

En effet, des centaines de journalistes circulent chaque jour dans notre quartier… et on n'entend jamais un traître mot sur l'environnement immédiat de la « Cité des ondes », sauf en cas de bavure policière particulièrement grossière, de manifestation grave d'insatisfaction de la part de « résidants », ou quand une quelconque association de commerçants, la mairie d'arrondissement ou des organisateurs/trices de festival émettent des communiqués jovialistes.

Je me souviens encore d'un matin d'hiver où on ne pouvait pas même sortir chercher les journaux tellement le trottoir était gelé dur, et où les voitures se tamponnaient à qui mieux-mieux rue Sainte-Catherine sur la glace vive. À l'antenne, tous les chroniqueurs de trafic disaient qu'il n'y avait pas de problème…

On ne parlera pas non plus de l'absence quasi totale de « couverture » des opérations policières particulièrement violentes et à la limite de l'illégalité menées quotidiennement par les forces dites « de l'ordre » dans le secteur.

De même les centaines de journalistes de TVA, de TQc, de la SRC et de tout le reste ne diffusent jamais quoi que ce soit à propos des racketteurs qui sévissent dans le quartier et qui se présentent comme des « promoteurs immobiliers » et des « gestionnaires de restaurants ».

Facile de prévoir ce que nous offrirons les milliers de journalistes qui iront en mission à Pékin : une version mise à jour du Livre des merveilles de Marco Polo, la vidéo en plus et les gravures en moins.

mardi 20 mai 2008

BOUCHARD-TAYLOR: DE DÉRIVE EN DÉRIVE JUSQU’AU RAPPORT FINAL !

On verra bien ce que dira le « rapport final » de la commission Bouchard-Taylor. Les fuites se multiplient depuis quelques jours.

Mais de fuite en fuite, on devine le sens général, l'ampleur et le caractère tragique de la dérive qui a emporté les coprésidents et leur équipe.

Il était pourtant assez facile de voir venir le coup. En effet, un poisson pourrit par la tête.

Parlons donc des têtes : « deux éminents intellectuels », nous dit-on partout…

Mais la réalité, c'est ceci : faute d'avoir réussi en politique, Taylor a fait une certaine carrière académique en faisant dire n'importe quoi à Hegel, ou plutôt, en disant n'importe quoi en se réclamant de Hegel. Ce dernier qui, lui, ne disait pas n'importe quoi, a eu une phrase qui pourrait très bien s'appliquer à Taylor : « En Amérique règne le plus incroyable déploiement de fabulations de toute sorte ».

Quant à Bouchard, il a dévoilé son peu de substance quand il a déclaré, au début de certaines séances de consultation, « La démocratie est un droit. ». Si les mots ont encore un sens, la démocratie n'est pas un droit, mais un système politique. C'est ce que disent tous les dictionnaires. La démocratie, un droit ?... What a Mistouk !, dirait un plus méchant que moi.
Dire que personne dans les médias n'a relevé cette grossière imbécillité. Mais au Québec, on sait qu'il convient de respecter les Bouchard, leurs pompes et leurs œuvres.

Dans le salmigondis idéologique des Bouchard et des Taylor, droits, libertés, valeurs, idées, abstractions, c'est du pareil au même. Dans leur discours, il ne faut surtout pas rappeler à qui que ce soit certaines banalités de base : par exemple, que la possibilité d'élire certaines des personnes qui nous gouvernent, la liberté d'expression et les autres « droits » dont on nous dit que nous jouissons, aussi limités et circonscrits soient-ils, ont été acquis de haute lutte. De toute évidence, contrairement à certains (et certaines) d'entre nous, ni Taylor ni Bouchard n'ont eu à se battre, et encore moins à subir quelques sévices que ce soit, pour quoi que ce soit.

Bouchard, Taylor et leurs conseillers (« the usual suspectsI », comme Claude Rains disait dans Casablanca : Weinstock, Fleury, McAndrew et consorts, tous ces pyromanes qui s'affairent à détourner les pompiers des vrais foyers d'incendie), dans leur aveuglement plus ou moins volontaire, prétendent faire souffler un doux zéphyr qui apaisera les tensions appréhendées dans un Bas-Canada qui, faute de se comprendre lui-même, ne sait ni comprendre les autres ni se faire comprendre d'eux.

Heureusement pour la paix dite sociale, Bouchard, Taylor, leurs sponsors et leurs acolytes ne récolteront pas de tempête (sauf de petites tempest in a teapot médiatiques), au moins pour maintenant. Pourtant, sous la braise, le feu couve, toujours présent, comme la grève sous les pavés. Le moindre zéphyr, s'il souffle un peu longtemps, peut raviver la flamme la plus apparemment insignifiante.

Certains diront certainement que la situation est complexe et qu'à l'impossible, nul n'est tenu.

Je leur rappellerai simplement et humblement la phrase de Fernand Braudel : « À l'impossible, tout intellectuel est tenu. »


samedi 26 avril 2008

FIN AVRIL DANS VILLE-MARIE

« April is the cruellest month… »

  • T. S. Eliot

Avant-dernier dimanche d'avril, en fin d'après-midi… les jarrets d'agneau braisent tout doucement, pendant que les patates douces rôtissent sans mot dire. Pauvres patates… douces comme elles sont, elles ne se doutent pas qu'on va bientôt les écorcher presque vives, leur retirer leur chair et la piler avec des olives, de l'huile extra et du romarin… les patates douces version Abou Grahib, quoi !

C'est le temps de faire quelques petites courses : il manque un peu de fromage, quelques fruits et légumes, une douzaine de Boréal rousse, du café et de l'eau minérale.

Premier arrêt : la fruiterie, angle de Maisonneuve et Beaudry… comme depuis des années et malgré le changement d'administration, c'est pas les gros chars (les légumes sont souvent plus ou moins frais et trop humectés, ce qui les fait se gâter avant terme), et surtout un peu (et même, pour certains produits, pas mal) trop cher… mais c'est pas trop loin de la casa nostra. On fait avec parce que ça permet d'éviter le zoo de la rue Sainte-Catherine. Et aussi : les caissières sont bien gentilles. Elles disent même merci quand on traîne nos propres sacs « réutilisables ».

Restent la bière et l'eau… Ils auront ça au dépanneur angle Panet. Donc, direction de Maisonneuve vers l'est. Il fait plus que beau… même les résidentes de l'accueil Old Brewery sorties fumer ont un certain sourire (qui n'a rien à voir avec celui évoqué par madame Sagan). Souvent, quelques pas plus loin, les masseuses du Kama fument elles aussi, mais leur sourire est tout autre… « Une même réalité, deux mondes » ou « deux réalités, un seul monde » ? Va savoir… Chose certaine, les gens de « Médecins du monde », dont le local est installé entre la Brewery et le Kama ne semblent pas le savoir, ni y penser. C'est probablement ça, « penser globalement, agir localement » : ça évite de penser localement.

Passé la rue Lartigue, bruit de mécanique et puanteur de diesel se manifestent. Pourtant, il n'y a pratiquement pas de trafic sur le boulevard… Arrivé à une trentaine de pieds du dépann', je comprends : un des petits engins (combinaison tracteur-citerne) de l'opération nettoyage de printemps du maire Labonté est garé à contre-courant sur la voie publique et son moteur tourne, tourne et tourne encore. Le pilote de l'engin, dispositif bluetooth vissé à l'oreille,
s'escrime avec une borne d'incendie à laquelle il a attaché une buse, mais pas de boyau. Il me regarde, sourit et donne un bon tour de clé : un puissant jet d'eau sale jaillit de la borne-fontaine et m'asperge généreusement…

  • « Pourriez pas faire attention ? »
  • « T'es même pas mouillé !»

Je montre mes souliers, mes bas de pantalons… le tout détrempé comme après une promenade dans les herbes hautes après une bonne grosse averse, et l'odeur de borne-fontaine en plus. J'espère au moins un semblant d'excuses. Mais on est aux abonnés absents : rien, rien, juste un sourire narquois de la part du manipulateur de clé...

Bon… va falloir faire un peu d'éducation populaire…

  • — « Vous travaillez pour la Ville ? »
  • — « Oui, on travaille pour la Ville ! »

Pourtant, pas de logo de l'administration municipale sur l'engin, juste l'emblème de la société Ramcor. On ressaie…

  • — « Me semble que vous travaillez plutôt pour Ramcor. »
    • « Oui, c'est ça, pour la Ville, mais pour Ramcor. »
  • — « Votre nom ? »
  • — « Tony. »
  • — « Tony qui ? »
  • — « Juste Tony. »

Au sortir du dépann', je constate que Juste Tony a de la compagnie : une autre combo tracteur-citerne est garé à contre-courant et en double, cette fois-ci. Un collègue de Tony attend pour faire lui aussi le plein d'eau… Deux moteurs qui roulent, deux fois plus de bruit… sans compter l'eau qu'on dit si précieuse qui déborde et qui fuit de partout.

Ça va faire… faut prendre des photos, c'est trop drôle… ou triste, c'est selon. Mais je n'ai pas d'appareil. Je fais vite, vite l'aller-retour à la maison chercher un appareil.

Retour de Maisonneuve et Panet. Les deux zigotos sont toujours là. Je prends un ou deux clichés qui se révéleront malheureusement inutilisables. Le collègue de Tony n'apprécie pas, il me photographie en lançant quelques invectives que je n'entends pas… le bruit du tracteur a quand même quelque chose de bon !

Je prends le temps de dire bonjour à une connaissance : justement, c'est Bob, un des livreurs d'une pizzeria du coin, en plein « rush du dimanche soir ». Il est arrêté au dépann' acheter des cigarettes (pour lui ou un client, je ne sais pas). On regarde les engins à propreté.

  • — « Bob, si tu stationnais comme ça, qu'est-ce qui arriverait ? »
  • — « Ben voyons, c'est ben simple : j'aurais pus de permis, pis pus de job ! »

Pendant ce temps, le second engin s'est engagé rue Panet, direction sud (toujours à contre-courant) et bloque avec obstination une partie de la chaussée ainsi que le passage piétonnier. Il finit par embrayer… l'engin s'ébranle. La citerne-remorque, dont on a négligé de refermer le bouchon de remplissage répand de l'eau à chaque nid-de-poule. J'essaie d'attirer l'attention du chauffeur sur son oubli. Il m'engueule… En désespoir de cause, j'exerce mon dernier recours de citoyen (en fait, le seul) : un bon vieux finger, discret tout de même. Et là, j'ai droit à des menaces bien senties et bien audibles, mais heureusement incompréhensibles…

C'était l'opération propreté. Une belle illustration des conséquences de l'impartition, de la sous-traitance et de la mauvaise gestion de la chose municipale.

Plus tard : on essaie de souper… le plancher de la cuisine vibre, on a de la difficulté à entendre la radio, puis la télé. Mais ce ne sont pas les voisins… c'est le « Complexe » Sky, situé à un bon coin de rue et demi, qui inaugure ses terrasses et, de toute évidence, ses nouveaux équipements de sono…

Et on n'a pas encore ouvert la taverne en plein air que nous a annoncé le maire Labonté (celui que chez nous on appelle « le p'tit maire » par opposition au « grand maire », le ci-devant parfumeur Tremblay)… ça promet !

Un petit coup de fil au Sky… le gérant n'entend (ou ne veut entendre) rien : « la musique est trop forte ! », qu'il me dit.

Quoi faire ? Appeler le charmant poste de police de quartier ? Voyons donc : ça fait au moins quatre ans que le poste dit « de quartier » nous rit en pleine face. Appeler les services de la Ville ? Toujours fermés la fin de semaine… et il y a, si je me souviens bien, seulement deux « inspecteurs du bruit » pour toute la ville…

Donc… coup de fil au domicile du conseiller Sammy Forcillo. Je lui suggère de parler vite, vite, à son ami Sergakis, le proprio du Sky (et de tant d'autres affaires, mais ça c'est une autre histoire). Il m'assure qu'il va s'occuper de la chose.

Un peu plus tard, le plancher cesse de vibrer. Merci, Sammy… mais on va sûrement devoir recommencer.

On ne devrait pas avoir à passer par là : se faire niaiser par la police quand on se plaint, devoir déranger les élus à la maison et tout et tout…

Surtout, on ne devrait pas avoir à recommencer ça chaque année. Plusieurs voisins me disent : « Faut pas se plaindre, ça donne rien ; la meilleure solution, c'est de fermer les fenêtres et de s'acheter un air conditionné pis s'arranger pour déménager d'icitte au plus sacrant. »

Voilà pour un petit début de soirée dans Ville-Marie. Mais c'était pas fini…

Plus tard… il est neuf ou dix heures du soir. On regarde tranquillement le poste de TSF. Un préposé nous parle de ceci et de cela et des merveilleuses réalisations du grand et du petit maire en matière de nettoyage. Mais il faut augmenter le volume du poste parce que sous nos fenêtres il y a trois ou quatre engins à propreté qui jouent du Karcher comme Sarko dans les banlieues ou le petit maire Place Émilie-Gamelin. Sûr qu'ils font de même à pareille heure à Outremont…

Dodo… Lundi matin, je sors très tôt, comme toujours, pour acheter les journaux. Le caniveau et une partie de la chaussée sont couverts des épais résidus de l'opération Karcher. La brise qui souffle des basses Laurentides (comme on appelle ici le Plateau Mont-Royal) a déjà commencé à disperser ce concentré de saletés comme la cover-girl du Larousse les lettres de l'alphabet.

… à suivre.

lundi 7 avril 2008

Un autonomisme peut en cacher un autre

Qu'est-ce que l'autonomisme ?

Selon le dictionnaire (Le Robert, édition 2007) « autonomisme » signifie tout simplement « revendication d'autonomie ».

Toujours selon le dictionnaire, un autonomiste est un « partisan de l'autonomie en matière politique ». Les auteurs du Robert renvoient d'ailleurs le lecteur à « indépendantiste,
nationaliste,
sécessionniste,
séparatiste
» et citent comme exemples d'usage « autonomistes basques, corses ».

De dérive en dérive…

On le sait : monsieur Mario Dumont et ses joyeux lurons ont fait pas mal de millage en se proclamant « autonomistes ». Monsieur Dumont a répété à qui voulait (et même à qui ne voulait pas) l'entendre que l'« autonomisme » était une sorte de position mitoyenne entre le « séparatisme » et le « fédéralisme ».

Toutefois, un coreligionnaire de monsieur Dumont, monsieur Christian Lévesque, député de Lévis et « porte-parole de l'opposition officielle en matière de Conseil du trésor et d'administration gouvernementale » nous livrait récemment, dans le cadre des débats sur la politique budgétaire du gouvernement du Québec, un nouveau « spin » à propos de l'« autonomisme ».

Ces propos ont, comme ils disent, « passé sous le radar »… mais ça vaut vraiment le détour…

Bonne lecture… (TOUT est très, très, sic).

Extrait du Journal des débats de l'Assemblée nationale, jeudi 20 mars 2008 (Vol. 40 N° 63)

M. Christian Lévesque :

« On parle de changement, mais c'est difficile de faire du changement quand on continue à penser de la même façon. J'en ai déjà parlé dans le passé puis je vais revenir un petit peu là-dessus, le paternalisme versus l'autonomisme. La façon de gérer du gouvernement, ça ressemble… Je vais vous mettre un peu une image. Imaginez-vous un couple. Ma conjointe et moi, on est face à une décision. Le couple a deux façons de voir, soit la façon paternaliste ou soit la façon autonomiste.

Dans le cas de la façon paternaliste, on décide […] d'offrir une voiture à notre enfant. […] Alors, le couple paternaliste offre la voiture à sa fille en disant : Si tu as de la difficulté pour payer tes assurances, viens voir papa puis maman, on va t'aider. Si tu fais un accident, on va être là pour toi, on va tout te payer les dépenses, fais-toi-z-en pas. Si tu as besoin de gaz, papa est toujours là. Ce qui fait qu'on garde toujours le lien. Ça nous permet de poser des questions, de savoir… Tu es allée où hier soir ? Tu te promènes comment… Ta voiture, tu as fait combien de kilométrage cette semaine ? Tu le sais, c'est toi qui paies le gaz, c'est toi qui paies les assurances, c'est toi quand elle va au garage, qui sait c'est quoi, les petites affaires qui ont été faites.

Il y a l'autre façon de le voir, qui s'appelle la façon autonomiste, puis ça s'appelle la responsabilisation. Bien, cette façon-là, c'est d'offrir la même voiture… […] Parce que l'État est quand même généreux. On a la chance de vivre dans une belle province qui est le Québec, puis on est quand même un peu généreux. Alors, on offre cette même voiture là à la fille de 18 ans, mais, en l'offrant, on lui dit une chose : Ma fille, tu es rendue adulte, alors tu as la chance qu'on te fasse un beau cadeau. À partir de maintenant, quand tu vas avoir besoin d'essence, tu vas travailler pour, tu vas faire les efforts. Quand tu vas… Si tu fais un accident, c'est peut-être parce que tu n'auras pas vraiment pris la chance qu'on t'a donnée de t'offrir un véhicule. On va beaucoup plus loin, c'est qu'on responsabilise.

Bien, aujourd'hui, au gouvernement, on a de la difficulté à responsabiliser. Pourtant, on se barde d'avoir des grands conseils d'administration qui ont tous étudié qu'est-ce qu'était la bonne gouvernance, et tout ça, mais, à chaque fois qu'un conseil d'administration ici, au Québec, prend une décision, bien il faut qu'il y ait au moins six, sept, huit, 10 étages qui doivent revérifier, contrevérifier à chaque fois la décision. Est-ce qu'on est proche de la population ? Est-ce que ce qu'on nous avait dit, Briller parmi les meilleurs, de 2004, nous démontre aujourd'hui, avec le budget qu'on a reçu ― aujourd'hui, analysons-le ― qu'on est encore aussi proche de nos gens ? On est juste resté dans la même façon de penser paternaliste puis on n'a pas passé à l'autonomie. Mais on sait de quelle façon qu'on va pouvoir, un jour, y passer, à l'autonomie […], ce sera avec nous, ce sera avec l'ADQ. »

On ne saurait mieux dire…

Donc, pour résumer, l'« autonomisme » de l'ADQ, ce n'est pas tant une revendication d'autonomie face aux exactions du gouvernement d'Ottawa qu'un gonfanon sous lequel le parti essaie tant bien que mal de regrouper les purs et durs du « désengagement de l'État ».

jeudi 13 mars 2008

LES CERVEAUX LENTS DE KABOUL… D’OTTAWA ET D’AILLEURS


 

« Au-dessus de tous les pays occidentaux s'étend de façon de plus en plus pressante l'ombre de l'Afghanistan, théâtre même du naufrage occidental organisé selon une mise en scène tapageuse et dialectiquement prétentieuse, rythmée par un argumentaire moralisant dont les Occidentaux ont le secret. Cette « petite guerre » de type secondaire, sans perspectives militaires sinon celles, douteuses, que la guerre elle-même (l'intervention US initiale) a créées, sans guère d'utilité stratégique malgré les analyses pompeuses, sans aucun but politique malgré les théories des complotistes, sans aucune cohérence ni cohésion, cette guerre semble acquérir une dimension herculéenne pour devenir à la fois le défi stratégique qui se dresse devant l'« Ouest » dans son ensemble et le marécage monstrueux où s'enlise la puissance occidentale. »

De Defensa 

À propos du Canada et de son intervention en Afghanistan, ma religion est faite, comme on dit. Voici donc, pour ce que ça peut valoir, le fond de ma pensée (ou de ce qui en reste) sur cette triste affaire.

QUESTIONS DE PRINCIPE

Clarifions d'abord quelques questions de principe. Je suis, par réflexe autant que par conviction, pacifique. J'ai donc tendance à obéir à ce que mon instinct de survie ne cesse de me suggérer : mieux vaut vivre à genoux, même à plat ventre, que de se faire tuer pour du fric, des idées ou quoi que ce soit. Comme disait Brassens : « mourir pour des idées, mais de mort lente. »

Pourtant, je ne suis absolument pas pacifiste. Je sais qu'il faut parfois faire la guerre. Je sais que c'est au prix d'une guerre (et même de plusieurs) que l'Irlande, Israël, le Timor oriental et tant d'autres territoires sont devenus (pour le meilleur et pour le pire) des pays, que l'ANC a mis fin à l'apartheid et que les Vietnamiens ont fini par se débarrasser des Chinois, des Français et des Américains.

Je sais aussi que si l'Amérique britannique du Nord a aujourd'hui un « gouvernement responsable », c'est parce qu'une insurrection armée a, à la fin des années 1830, flanqué une peur bleue (pour ainsi dire) et quelques raclées aux forces de maintien de l'ordre coloniales. Je sais aussi que, si le Québec n'est toujours pas indépendant, c'est parce que les forces fédéralistes lui ont mené (et continuent de lui mener) une guerre odieuse, hypocrite, sans merci… et sans réplique.

Mais je sais aussi que la guerre, qu'elle soit juste, injuste, totale, limitée, froide, chaude, tiède, idéologique, économique ou autre, n'est jamais une affaire reluisante. Je n'aime donc pas que qui que ce soit se fasse tuer en obéissant plus ou moins aveuglément aux ordres d'un officier ou d'un sous-officier quel qu'il (ou qu'elle) soit, où que ce soit. Je n'aime pas les entités qui obligent les gens à porter des uniformes : ça vaut aussi bien pour les équipes de soccer, de hockey, de volley-ball de plage ou de rugby que pour les armées. Le cas échéant, pour une juste cause, je ferais comme Sorge, Philby, Trepper ou d'autres : je risquerais ma vie et bien d'autres choses, mais surtout pas en uniforme.

Cela dit, je déteste qu'on envoie des jeunes (et moins jeunes) personnes se faire tuer à des milliers de kilomètres de chez elles. Je n'aime pas non plus qu'un état-major impose à ces jeunes (et moins jeunes) personnes les rigueurs d'un régime de camps où le bonheur suprême consiste à se nourrir des concoctions de Tim Horton's, de McDonald's et d'autres cochonneries malsaines et malodorantes du genre.

Donc, ne fût-ce que pour préserver la vie de jeunes (et moins jeunes) Canadiens et pour promouvoir de « saines habitudes alimentaires » (comme ils disent dans les milieux de la santé et des services sociaux) au sein de ce groupe, il n'y a qu'une chose à faire : rapatrier au plus vite le contingent.

Voilà pour les principes. Mais, comme nous allons voir, il y a plus.

LA DÉFENESTRATION DU BON SENS

Tout d'abord, il y a des arguments de gros bon sens « économique » qui militent en faveur d'un retrait immédiat (et si c'était possible, rétroactif) du contingent canadien. En effet, l'équilibre des finances dites publiques est sérieusement menacé par la détérioration de la conjoncture.

La « mission » coûte cher, toujours plus cher et de plus en plus cher. De plus, il faudra continuer à payer les pots cassés longtemps après que les forces canadiennes, comme toutes les autres forces qui ont tenté d'occuper l'Afghanistan avant elles, auront quitté plus ou moins honteusement le théâtre des opérations : il faudra prendre soin des invalides, des malades et autres « vétérans », sans oublier les conjoints (de tous les sexes) des soldats qui seront tous (et toutes) morts en vain . Donc, du strict point de vue budgétaire, la conclusion est la même que la précédente : il faut rapatrier le contingent au plus vite.

Autre argument de gros bon sens : tout ce beau et fringant monde-là (on ne cesse de nous dire et de montrer combien les gens des forces sont bien formés, habitués à opérer « sous pression », « motivées », « dévoués » et tout et tout) pourrait être utilisé à des tâches urgentes comme la réfection des infrastructures, la décontamination des « terrains bruns », la construction et l'entretien d'hôpitaux et tant d'autres choses dont les Canadiens ont tant besoin. De même, les médecins et infirmiers militaires pourraient être mis au service du système public de santé, ou recyclés comme « premiers répondants ». On pourrait aussi réaffecter les troupes actuellement engagées en Afghanistan à des missions pas mal moins « sales » et pas mal plus utiles, en Haïti, au Darfour et ailleurs.

Tout cela tombe sous le sens. Mais il y a longtemps que le gouvernement du Canada, comme celui des États-Unis, a balancé la notion de bon sens par la fenêtre.

LE NERF DE LA GUERRE DES NERFS : LA PROPAGANDE

Toute une armée de « faiseurs d'opinion » s'emploie à détourner notre regard de la futilité de la mission afghane. Ces gens essaient de nous faire croire que « la mission » est une sorte d'entreprise à caractère humanitaire et civilisateur. Heureusement, certains disent parfois la vérité.

Par exemple (on devrait s'en souvenir), l'ineffable secrétaire de la « défense » des USA, Robert Gates, rappelait en janvier 2008 la véritable nature de la « mission afghane » : il s'agit d'une mission de « counterinsurgency » pour laquelle les soldats canadiens sont mal préparés. Pas question pour Gates (qui, en principe, sait de quoi il parle) de reconstruction, de pacification, de stabilisation, d'éducation ou de féminisation de quoi que ce soit. Il s'agit de faire tout simplement, d'abord et avant tout, la lutte aux insurgés d'Afghanistan .

De même, toujours en janvier 2008, l'honorable John Manley, présentant le rapport de son « panel indépendant  », a souligné l'urgence que les « alliés » envoient en Afghanistan un « battle group » d'un millier de soldats. À ce que l'on sache, la mission d'un battle group n'est pas de livrer des services à la population. Son nom le dit : un battle group livre… bataille.

Mieux encore : le général Rick Hillier, le chief of defence staff du Canada, confirmait, au retour de ses vacances le 1er février 2008 que les militaires canadiens ne peuvent pas demeurer dans le sud de l'Afghanistan sans être impliqués dans des missions de combat. Le même Hillier est d'ailleurs allé plus loin fin février en sommant les parlementaires canadiens d'approuver au plus vite la reconduction de la mission de combat des forces engagées en Afghanistan 

RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES

Pour résumer les propos de ces gens bons, les battle groups de l'armée canadienne en Afghanistan mènent une guerre de contre-insurrection et devront, aussi longtemps que durera leur « mission », livrer combat. Mille mercis pour la clarté, messieurs Gates, Manley et Hillier : la soldatesque canadienne est bel et bien engagée dans une mission de combat, une mission dont l'objectif est de tuer des gens, de traquer des personnes plus ou moins bien identifiées comme insurgées et, à défaut de les éliminer physiquement « in the heat of battle », de les livrer aux mains de tortionnaires et de tribunaux d'exception.

Tout le reste n'est que maquillage et diversion. Balivernes et billevesées, comme on disait jadis. Smoke and mirrors, comme ils disent dans les pays de l'anglophonie. Marketing et branding, comme on dit dans le demi-monde du spin et des buzzwords de toute sorte.

La supposée « mission » éducative et civilisatrice, la prétendue mise en place d'un système « démocratique », tout cela n'est que de la frime, un très mince glaçage sur un gâteau fort peu ragoûtant. L'engeance bien-pensante du Canada nous dit n'importe quoi quand elle nous parle de développement, de construction d'écoles, de mise sur pied de radios communautaires, et le reste et le reste.

SUS AUX SOPHISMES NÉO-HITLÉRIENS  !

Sophisme néo-hitlérien 1 : « Il faut soutenir les troupes. »

Certains prétendent qu'on ne peut pas retirer les forces canadiennes de l'Afghanistan parce qu'un tel retrait équivaudrait à dire aux militaires qui s'y sont fait tuer, blesser ou tout simplement suer qu'ils ont fait cela en vain et en pure perte. Justement : c'est, entre autres choses, pour cela qu'il faut de toute urgence « tirer la plug » sur les opérations en Afghanistan.

Les élus, toutes couleurs confondues, qui ont voté (deux fois plutôt qu'une) pour l'envoi, puis pour le maintien de troupes en Afghanistan doivent humblement admettre qu'ils ont envoyé des soldats au front sous des prétextes plus que fallacieux, pour faire plaisir à des alliés aux motifs plus que suspects. Ils (et elles) doivent dire à l'armée qu'elle doit rentrer au bercail. Ils (et elles) doivent dire aux jeunes (et moins jeunes) gens qu'ils (et elles) ont envoyés à la boucherie ou à l'infirmerie, ainsi qu'à leurs proches, que c'était pour rien. Les faiseurs et faiseuses d'opinion et tous les journalistes-propagandistes plus ou moins embedded qui n'ont fait que la défense et l'illustration de « la mission » doivent aussi avouer qu'ils ont honteusement menti.

Et voilà bien un sophisme hitlérien. On devrait s'en souvenir, il s'agit du même argument servi par Goebbels aux Allemands après Stalingrad : il faut être fidèle aux troupes.

Sophisme néo-hitlérien numéro 2 : « Il faut rester pour le bien des Afghans et (surtout) des Afghanes. »

D'autres nous disent que les militaires canadiens (et autres) doivent rester en Afghanistan pour « finir la mission ». Pour eux (et elles), « la mission » a un caractère mythique : il s'agirait d'une croisade pour libérer les femmes du joug talibanesque, de la burqa  et d'Allah sait quoi d'autre.

Voilà un autre sophisme hitlérien de la plus belle eau. Souvenez-vous : en 1938, Hitler et son bund of brothers justifiaient leur invasion de la Tchécoslovaquie en disant aux Allemands (et au reste du monde) qu'il fallait « y aller » en raison des sévices dont leurs « frères sudètes » étaient supposément victimes. C'est on ne peut plus clair : les femmes afghanes sont les Sudètes des années 2000. Les bien-pensants (et bien-pensantes) qui croient que c'est en mettant l'Afghanistan à feu et à sac qu'on va améliorer le sort des femmes afghanes feraient bien de se souvenir de ce qui arriva aux Sudètes pendant la guerre… et après 1945.

TOO LATE, THE HERO !

Qui plus est, il est un peu tard pour s'apitoyer sur le sort des Afghanes. Les bien-pensants auraient pu dénoncer cela à l'époque (pas si lointaine) où les men who would be kings (Reagan, Bush I et Clinton I) finançaient (directement ou par Pakistan interposé) la prise du pouvoir par les Talibans et soutenaient leur régime en toute connaissance de cause, en sachant fort bien ce que le mollah Omar, le commandant Massoud et tous leurs joyeux copains avaient en tête pour l'avenir de l'Afghanistan, notamment au chapitre des droits des femmes (et de tout les Afghans, d'ailleurs).

LES ÉNERVÉS DE LA SÉCURITÉ NATIONALE

Par-dessus tout, il y a les énervés de la sécurité nationale qui nous répètent que si l'intervention canadienne en Afghanistan devait se terminer, « les terroristes » seraient à nos portes en un rien de temps et viendraient jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes, comme le dit la chanson. On connaît bien la solution qu'ils (et elles) prônent : encore plus de soldats, d'hélicoptères, et d'armes de plus en plus sophistiquées et de plus en plus puissantes.

Bien sûr, les « alliés afghans » de l'OTAN, Karzai et les autres, renchérissent : ils ne pourront jamais « contrôler la situation » si on ne leur donne pas des hélicoptères, des armes, des drones, des fils à couper le beurre et des cordes à virer le vent. Ils ne pourront pas non plus le faire si les experts de l'OTAN ne forment pas, à grands frais, leurs « forces de sécurité ».

En clair : il faudrait, selon Karzai et consorts, que le Canada et les autres « alliés » fassent pour eux ce que les USA ont fait pour les Talibans. Or, on sait à quoi ont servi (et servent encore) les merveilleux lance-roquettes, le merveilleux C-4 , les merveilleux détonateurs, les très utiles hight-vision goggles et tous les autres éléments de quincaillerie si généreusement distribués jadis aux seigneurs de guerre par les operatives américains. On sait aussi (au moins depuis l'époque de la Grèce des colonels et de l'Argentine des généraux) à quoi sert la formation dispensée par les forces policières « étrangères » : à former des meilleurs tortionnaires, des meilleurs chefs de guerre, des meilleurs fabricants de bombes, et le reste et le reste.

LES VIRTUALISTES

Enfin, derrière les bien-pensants, les propagandistes, les sophistes néo-hitlériens et les énervés de la sécurité, il y a les vrais tordus : les virtualistes. Ce sont eux qui tirent les ficelles (et les marrons du feu) des guerres actuelles en Irak, en Afghanistan et un peu partout. Les virtualistes, se sont les gens et les entités qui se hissent et se maintiennent au pouvoir en invoquant et en manipulant des menaces « virtuelles » .

La façon de penser et le mode d'action des virtualistes ont été fort bien décrits par Ron Suskind qui relataitles propos d'un proche (un « aide », comme ils disent) de la Maison blanche :

« The aide said that guys like me were "in what we call the reality-based community" […].
That's not the way the world really works anymore". "We're an empire now, and when we act, we create our own reality. And while you're studying that reality […] we'll act again, creating other new realities, which you can study too, and that's how things will sort out. We're history's actors... and you, all of you, will be left to just study what we do. » 


 

mercredi 5 mars 2008

DE LA DÉMOLITION CONSIDÉRÉE COMME L’UN DES BEAUX ARTS

C’était autour du 20 février dernier. Froid, mais soleil radieux… et « journée off » pour ma blonde et moi. On décide d’en profiter : départ du Centre-Sud, direction Vieux-Port, malgré les rigueurs du climat. Arrêt au Centre de design de l’UQAM, où il y avait une excellente petite expo d’affiches sur le thème « H2O, de nouveaux scénarios pour la survie », dont personne n’a parlé.
On sort du Centre, on tourne à gauche (et encore à gauche : un vieux réflexe politique !). On passe par la rue De-Boisbriand (« par-derrière les Foufounes »). Une merveille, cette rue peu connue, surtout en hiver : pas de chars, à peine quelques seringues, full tranquille et full soleil.
On émerge angle Sainte-Catherine et Saint-Dominique. Subito, fin de la tranquillité : du fracas, du bruit, du gravas qui virevolte, des « clôtures Mills » déployées un peu partout, une odeur de suie et de vieux papier-goudron déchiré. What’s up ? De la police, plein de monde avec des cellulaires et des oreillettes de walkie-talkies bien vissées dans le crâne… S’agit-il d’un de ces tournages ciné dont, nous dit-on, Montréal a tant besoin ? Non : il y a des kodaks de nouvelles, mais pas de « vrais kodaks de film », pas de loges mobiles, pas de catering, pas de grip-truck, pas de honey-wagons. So…
On regarde, on se rappelle les communiqués de presse reçus la veille, et on comprend : c’est le bon maire Tremblay en pleine photo-op pour la démolition de l’édifice situé au 2-22 Sainte-Catherine Est. Étape importante, paraît-il, pour le projet du « Quartier des spectacles ».
En effet, la machinerie s’affaire à l’angle des « deux Mains ». Les travaux de démolition se font à la va-vite… et même à la va-comme-je-te-pousse ! À vue de nez, une demi-douzaine d’infractions aux règles de sécurité les plus élémentaires.

Le maire, les attachés politiques, les gens des médias et les simples passants respirent du toxique à pleins poumons. Le maire sourit pour les kodaks. J’imagine le soundbite : « I love the smell of coal-tar in the morning… »

Je ne peux m’empêcher de lui dire en passant : « Ils pourraient quand même arroser les débris pour contrôler la poussière. » Et son honneur de me rassurer : « Ils arrosaient tantôt. » Ben sûr, ben sûr…

Tout de même, la journée est jeune et belle. On descend Saint-Laurent (ou ce qui en reste), direction Vieux-Port. Plein milieu de semaine, pas de relâche scolaire et full frette : il n’y a presque personne, sauf les équipes techniques qui s’échinent à installer, pour la plus grande gloire de quelques promoteurs, la quincaillerie du Festival Montréal en lumière. Mais l’air cristallin des bassins du port a un vilain arrière-goût : on a encore sur nos vêtements, sur la peau, dans le nez et dans la bouche les relents de la démolition du « 2-22 ».
Le soir, on regarde les nouvelles télé : les shots de la démolition du 2-22 sont superbes. Je pitonne la télécommande pour enclencher l’option « odorama », mais il n’y en a pas. Moi qui croyais que la télé moderne captait tout, même les odeurs. Grand naïf, va !

N’empêche : à la télé, la démolition du 2-22, c’était beau et ça ne sentait pas mauvais. Même que ça sentait à plein nez l’espoir dont le maire et les autres parlent tant quand ils essaient de nous vendre leur Quartier des spectacles.
En regardant ça, je me suis dit : on aurait donc dû rester à la maison et regarder la télé. Comme ça, on croirait peut-être encore au maire et à ses projets. Et on aurait peut-être encore un peu d’espoir.

Paul Béland
Montréal

Lettre à l’éditeur de The Economist

Notes explicatives: le vénérable périodique britannique publiait, dans son edition du 7 février 2008, un article traitant de la guerre des motards qui sévit en Colombie-Britannique. L’auteur de l’article suggérait que cette province devrait s’inspirer de l’expérience du Québec en la matière… il a bien fallu répondre…
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SIR — “Gangland” (February 7) mentions “Quebec’s success in tackling biker gangs”. While it is true that the “provincial government has spent more than C$115m over the past decade on special teams of prosecutors and police and a fortified court, arresting 134 bikers and convicting most of them”, current events tend to demonstrate that, to quote Bob Dylan, “there’s no success like failure…”
First, some simple math: $115m/134 convictions = $858,209 per conviction, not factoring in heating, maintenance, devaluation and the rest for the fortified, hi-tech and seldom used courthouse. This could be acceptable if there were lasting results and/or measurable success. But such is not the case.
The convicted bikers (except for the very top leaders) are getting out of jail on parole or probation at a steady pace. Barred from entering the United States, some of Québec’s Hells Angels are setting up shop in the Dominican Republic, a most convenient base of operations for money laundering and a great way-station for drug-related shipping/receiving operations.
Meanwhile, back on the streets, the drug trade, with its constantly evolving business model, is as flourishing as ever. In and around Montréal, young people driving SUVs and wearing the latest in men’s wear get shot, mugged or knifed in some of the seediest dives as well as in some of the swankiest venues. In an easily accessible section of Parc du Mont Royal, widely known as “the pharmacy”, business is brisk, even in sub-zero weather and knee-deep snow.
British Columbia should definitely not follow Québec’s example. Just like Québec, it should listen to the voices of reason (The Economist’s among others), and simply legalize drugs.

Paul Béland
Montréal

jeudi 14 février 2008

The Perils of Pauline

Madame Marois et sa merveilleuse équipe de conseillers ont réussi à scorer comme des champions (certains diraient « comme des Justin Trudeau ») dans leurs propres goals.

Il aurait été tellement plus simple de proposer que tous les enfants qui vont à l’école anglaise démontrent une maîtrise adéquate du français (selon le niveau : primaire, secondaire, cégep, université) comme condition d’obtention de leur diplôme, au public comme au privé. Cela est pas mal plus urgent et que de songer à « bilinguiser » la marmaille qui a eu le malheur de naître francophone dans Hochelaga-Maisonneuve plutôt qu’anglophone dans Upper Westmount. Même chose pour les énervés qui veulent qu’on enseigne l’anglais au tout début du primaire : il serait bien plus important d’enseigner le français dès la première année dans les écoles anglaises.

Et si on veut améliorer la Charte de la langue française, on pourrait obliger les entreprises à exiger des personnes qu’elles embauchent une connaissance au moins « fonctionnelle » du français.

Je partage au moins deux choses avec monsieur Victor-Lévy Beaulieu : je m’ennuie de Michèle Viroly et j’aime beaucoup James Joyce, que j’ai lu dans le texte quand j’avais dix-sept ans. Mais VLB se trompe. Madame Marois n’est pas coupable de traîtrise. La traîtrise, c’est ce que des gens comme Claude Morin ont fait et continuent probablement de faire.

Non, contrairement à Morin et à d’autres, madame Marois n’est pas coupable de traîtrise (à ce qu’on sache au moment où j’écris). Madame Marois est, dans tous les sens des mots, une simple innocente.

Loin d’être coupable, madame Marois souffre. Elle souffre, comme on dit si bien dans un de ses anciens ministères, de « perte d’autonomie ».

Of course, la châtelaine de l’Île-Bizard a été, comme elle se plaît à le rappeler, titulaire des plus importants ministères. Mais, à l’époque, elle était (relativement) bien entourée et toujours assez strictement « encadrée ». Quand elle a fait partie de l’opposition officielle, elle bénéficiait des budgets de recherche afférents.

Aujourd’hui, comme chef (j’ai toujours envie d’écrire « cheftaine ») du « deuxième groupe d’opposition », elle n’a tout simplement plus le « système de soutien » dont elle a, de toute évidence, désespérément besoin.

lundi 14 janvier 2008

Courriel aux gens de P45

J’ai bien aimé P45 dès ses débuts (à l’époque de l’imprimé).

J’aime encore jeter un coup d’œil sur la version web.

Tout ça, même si Langelier et ses apparitions dans les médias mainstream m’ont toujours fait douter du côté « indépendant » de l’entreprise P45.

Mais aujourd’hui, j’écoutais d’une oreille distraite madame Charrette. Et il s’avère qu’une de vos collaboratrices (madame Beaucage, je crois) est recherchiste ou quelque chose du genre chez la fille à Raymond…

Et la madame en question ploguait à tour de bras Fricot Machine ou je ne sais plus trop quoi à tour de bras, comme la dernière des groupies.

So much pour l’indépendance.

J’ai compris l’astuce : certains, chez P45, avec la complicité du mainstream, pratiquent une forme de convergence qui a déjà un nom : la publicité virale.

Pour le meilleur et le pire, passéiste et nostalgique comme je suis, j’ai toujours préféré au P45

(fabriqué par l’excellent manufacturier Kahr Arms)


le bon vieux Walther P38


Sérieusement : je crois qu’il y aurait peut-être quelque chose de « synergique » à faire avec P45, Bang Bang et quelques (trop rares) autres.

Peut-être même relancer TQS ?