Toujours en fouillant les archives: je n'étais vraiment pas heureux ce matin-là.
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4 octobre 2009
J’ai allumé le poste de TSF au réseau de la désinformation et j’ai eu un violent cri du cœur : non, non, non, non. Pas ça. Pas à l’église. Ben oui. Il a fallu se rendre à l’évidence : les funérailles de Pierre Falardeau avaient bel et bien lieu dans une église. Dans une église du diocèse du cardinal Turcotte. Et avec un Jésuite (et pas n’importe lequel : le révérend père Guy Paiement) comme officiant.
J’ai perdu la foi, et surtout la foi en l’Église apostolique, catholique et romaine il y a longtemps. Je visite les églises comme je visite les musées : comme des lieux de mémoire, même si les églises, comme les musées, ont souvent la mémoire davantage sélective que collective.
Je ne vais jamais à l’église pour les « offices religieux », sauf pour les funérailles d’amis très proches ou de membres de leur famille. Et à chaque fois je braille comme un veau quand on récite les mots du Pater Noster : « délivrez-nous du mal… ». À chaque fois, je me dis que s’il y avait un bon dieu, un dieu vraiment bon (« infiniment bon. infiniment aimable », comme on nous l’apprenait) juste à force d’entendre cette prière monter vers lui un milliard de fois par jour depuis au moins deux mille ans, il aurait fait quelque chose pour nous délivrer du mal. Mais ce n’est pas le cas. Ainsi soit-il.
J’étais allé aux funérailles d’Émile Boudreau, dans une église passablement « prolétaire » de Rosemont, si je me souviens bien. Pour Émile, je comprends qu'il y ait eu des funérailles "catholiques" : c’était un homme d’une autre génération que la mienne, d’une génération qui pouvait encore croire que l’Église pouvait être porteuse de justice.
J’étais aussi allé aux funérailles de Robert Lemieux, surtout parce que j’avais bien connu son frère. Et là aussi, rien de bien surprenant : quoi de plus normal qu’un brillant avocat, « premier de classe à McGill », même plus ou moins défroqué (ou plus précisément, « dé-togé »), ait des funérailles à l’église Notre-Dame de Grâce ?
J’étais allé, quelques années auparavant, aux funérailles du père de deux de mes amis irlandais. Il était mort à plus de quatre-vingt-dix ans. Il avait combattu les Britanniques, et aussi de Valera. Il avait fini par s’exiler ici. Je crois que, jusqu’à son dernier souffle, il a parlé en faveur de the struggle, cette lutte qu’il avait toujours supportée et aidé (très activement, m'a-t-on dit) à financer : homme paisible, bon père de famille, il était content quand les troupes britanniques en prenaient plein la gueule. Il avait pleuré la mort de Bobby Sands. Au fait... "je me souviens" : j’étais assis à une terrasse de la rue Saint-Laurent avec un de ses fils le lendemain de l’attentat contre les Horse Guards. Un passant s’arrête et dit au fils : « Tell your dad that I hate the British, but that he should leave the horses alone. ». De retour aux funérailles: à l’église, discrètement, au dernier rang, il y avait trois ou quatre « gros monsieurs », visiblement pas de la famille, mais visiblement irlandais. Si on avait été en Irlande, il est probable que des hard men qui leur auraient ressemblé auraient tiré des salves d’honneur au cimetière. Mais ça, c’est une autre histoire.
Revenons aux funérailles de Falardeau : totalement incongru, le spectacle. Je revoyais le Québec à genoux, le vieux Québec réuni autour de son clocher. Ce vieux Québec qui est patriote et rebelle comme la vieille France est résistante : pour la galerie. Comme aurait dit Maurice Vachon: "C'est du fake".
Terrible que Falardeau ait fini comme ça.