Le journal de ce matin http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201201/16/01-4486221-les-services-secrets-sinvitent-dans-les-universites.phpnous informe de votre collaboration avec les services de renseignement canadiens. Il va sans dire que cela est tout à fait abject et condamnable, au moins pour quiconque sait ce que ces services ont fait, font et feront jour après jour pour saper ce qui nous reste de démocratie et pour bafouer ce qui reste des droits de la personne suite à l’adoption des lois et des mesures abjectes et iniques adoptées après le mythique « nine-eleven ».
Selon le journal, vous affirmez que « le SCRS n’est pas la CIA des années 50 ou 60 ». Avec respect, je vous ferai remarquer que la CIA d’aujourd’hui n’est pas la CIA des années 50 et 60. En effet, la CIA d’aujourd’hui torture mieux qu’avant, infiltre mieux qu’avant, fait les basses œuvres de l’occupant de la Maison-Blanche plus discrètement qu’avant. La CIA d’aujourd’hui a à sa disposition des escouades de choc et des drones qui tuent des gens selon le bon vouloir de l’occupant en question et au mépris de toutes les lois (et même des lois des États-Unis d’Amérique). Et, ce qui n’est pas négligeable, la CIA d’aujourd’hui recrute de meilleurs diplômés universitaires.
Le CSIS (pour appeler le SCRS par son vrai nom), est un partenaire junior de la CIA et des autres Mossad et MI5 de ce monde. On peut donc présumer que le CSIS, tout comme ses maîtres « politiques », avalise la CIA, ses pompes et ses œuvres. On sait aussi, pour peu qu’ils soient publics, les fruits du travail du CSIS, notamment au chapitre des certificats de sécurité et des « renvois vers la torture ».
Le journal nous parle de l’intérêt des fouineux et fouineuses du CSIS pour le recrutement de « brillants jeunes gens » sur les campus universitaires. Mais les colloques et symposiums servent aussi à autre chose : ils permettent aux fouineux et fouineuses d’identifier les dissidents, de les ficher et, pourquoi pas, de les faire inscrire sur des no-fly lists », de les mettre sur écoute, de faire en sorte qu’ils fassent l’objet de certificats de sécurité, et tout et tout.
Vous êtes, de toute évidence, un universitaire respectable. Vous avez Ph. D . et autres satisfecit à votre actif. Grand bien vous fasse. Pour ma part, « pauvre parmi les pauvres, minable parmi les minables, raté parmi les ratés, rebelle parmi les rebelles », je ne suis pas respectable du tout. Mais j’approche de ce qu’on appelle « un âge respectable ». Ce qui me permet d’en savoir un petit peu sur quelques petites choses.
Ainsi, j’ai compris depuis belle lurette la meilleure raison de prendre la parole lors de colloques et de symposiums sur des questions dites sensibles (comme la dite « sécurité nationale »), qu’ils soient sponsorisés ou non par les agences de renseignement (qui, de toute manière, y ont des antennes- c ’était vrai dans les années 50 et 60 et c’est toujours le cas) : se faire remarquer par les recruteurs (et recruteuses) de ces agences dans l’espoir de se trouver « une bonne job pis un bon boss ». Autrement dit, se « téter » une job d’analyste ou de whatever (comme ils doivent dire au CSIS). Pas surprenant qu’à force de recruter des téteux (et des téteuses) de jobs, le CSIS ait une assez piètre capacité d’analyse.
Certains dissidents ont parfois les moyens, le temps et la patience requis pour assister à des colloques et symposiums universitaires. Cela leur permet parfois (avec un peu d’expérience et de perspicacité) d’identifier les « talent scouts » et même les agents du CSIS. Ils peuvent aussi voir qui sera un jour ou l’autre « sur le payroll » du CSIS. Parfois, ils prennent la parole afin de « faire lever » les plus ou moins chauds lapins (et les –souvent pas mal chaudes- lapines)du CSIS et des autres agences ou services de « protection de l’État ». Mais pour ce qui est des « vrais débats », les dissidents ne parlent pas. Couché, c’est la consigne ! Vive la position du tireur couché ! Résultat : perte nette pour ce que vous appelez « la liberté d’expression ».
Pour qu’il y ait liberté d’expression dans les universités, il faudrait que ces dernières administrent une sorte de « reverse security check », polygraphe à l’appui. Lors de l’inscription, on soumettrait les étudiants, les étudiantes, les professeurs et professeuses, ainsi que les participants et participantes aux autres activités et autres de à « la question ». Des inquisiteurs et inquisitrices d’expérience leur poseraient, avec toute l’insistance et la « pression » utilisées par les collègues du CSIS à Guantanamo, la question : « Are you now, or have you ever been, or do you consider becoming, a member, associate or informant of CSIS and/or similar agencies and/or services ? » Et quelques autres gentilles questions du même genre.
Si on détectait un CSIS, on ne lui refuserait pas l’entrée. On lui mettrait tout simplement un « signe distinctif » bien visible sur sa carte d’étudiant ou sur son « scapulaire » d’inscription à un colloque, symposium ou whatever. On indiquerait aussi son affiliation dans les « actes » de l’événement ou sur tous les « travaux universitaires » produits. On publierait (évidemment) sa photo (de face et de profil) sur Facebook et Twitter.
Pour ma part, j’aimerais mieux qu’une ordure du CSIS soit tenue de porter un dossard aux couleurs de son employeur, question de « visibilité ». Toutefois, je n’irais pas jusqu’à donner accès gratuit à la piscine ou aux douches à ceux et celles qui voudraient leur faire goûter à un peu (ou même beaucoup) de water-boarding, à moins d’un vote majoritaire des gens qui n’ont aucune allégeance aux « services ». Mais si je participais à une assemblée qui devrait statuer sur la chose, je me prononcerais sans aucune hésitation pour l’accès gratuit (et même subventionné) à la piscine et aux douches.
Ainsi, les choses seraient claires. Aussi claires que le ciel de Manhattan au matin du 11 septembre 2001.
Mais dans les universités de notre temps, comme disait Denner dans le film de Lelouch, c’est « la clarté dans la confusion, et la confusion dans la clarté ».
Confus comme jamais, les troglodytes que nous sommes sont enfermés depuis très longtemps dans une noire caverne, tant et si bien que la moindre lueur du poste de télé ou de l’écran Google nous semble fulgurante de clarté. Nous vivons dans la caverne de Platon, mais nous n’avons pas de Platon qui nous apprendrait à distinguer la proie de l’ombre. Nous n’avons que des universitaires qui, comme Jonathan Paquin, Ph. D., tentent de nous faire croire que collaborer avec le CSIS, c’est favoriser la liberté d’expression.
Vraiment, nous vivons une époque formidable.