vendredi 28 septembre 2007

LE STYLE COLONIAL AU QUÉBEC


UN PARTI MAL PRIS

On se souvient combien certains des courants de la révolution tranquille qui se voulaient radicaux se sont reconnus dans les propos de Jacques Berque, d'Albert Memmi et de Frantz Fanon. Après une lecture (probablement) plutôt cursive de ces auteurs, les gens de Parti-Pris, les Vallières, les Lanctôt et plusieurs autres conclurent que le Québec était en proie aux affres du sous-développement et de la colonisation, au même titre que l'Algérie, le Congo ou l'Amérique du Sud. Il y avait là une erreur de perspective fondamentale. En effet, le Québec n'a jamais été un simple lieu de sous-développement comme les autres. Bien au contraire : le Québec a toujours été un lieu de colonisation et d'exploitation d'avant-garde, bien branché sur les tout derniers développement du capitalisme de son époque.


WE LIVE IN A VALLEY THEY CALL THE SAINT LAWRENCE…

La vallée du Saint-Laurent a été —et continue d'être— un des laboratoires privilégiés des expériences de contrôle social dans les sociétés dites avancées. Cette tendance ne s'est pas démentie avec les années; elle remonte aux origines mêmes du Canada et du Québec. Qu'il se soit agi de Jean Talon ou des gentlemen adventurers de la Hudson's Bay Company, l'Amérique du Nord qui devint éventuellement britannique a toujours vu le déploiement de techniques de domination bien en avance sur celles imposées en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie par nos maîtres les Français et les Britanniques. C'est un peu ce que nous rappelait il y a un certain temps Stéphane Kelly dans un article paru dans Le Devoir à propos des « rois nègres » du Québec.

Kelly y décrivait comment, au cours des années 1950, André Laurendeau, Pierre Trudeau, Marcel Rioux et leurs confrères accusaient les Britanniques d'avoir importé au Québec un système de domination par rois-nègres interposés précédemment déployé dans leurs colonies d'Afrique.

Contrairement à ces « pères » de la révolution tranquille, Kelly a l'insigne mérite de noter que les premiers rois « nègres » à avoir été reconnus, soutenus et cultivés —dans tous les sens du terme— par l'empire britannique n'ont pas été les souverains zoulous inféodés par la force des armes à Cecil Rhodes et à ses semblables, mais bien les Cartier et les Lafontaine, ces vire-capots, ces ex-républicains et ex-patriotes devenus féroces adversaires du républicanisme en terre d'Amérique : « Les partisans de la décolonisation ont pensé, à tort, que l'on nous avait servi un plat cuisiné en Afrique. Au contraire, ce sont les autres colonies de l'empire qui ont goûté à un plat concocté dans la vallée laurentienne, avec les bons conseils de notre élite aristocratique, afin de dissuader un peuple un peu trop sympathique à l'idée républicaine. »

Certes, il y avait (et il y a toujours) le paravent qu'on a appelé « Canada », ce mot qui désigne le pays cautionné et imaginé par Lafontaine, Cartier, Baldwin, Tupper et les autres. Mais dans la vraie vie, celle des lois, le nom conféré au nouveau territoire par la Couronne était fort éloquent : ça s'appelait la British North America, l'Amérique du Nord britannique, autrement dit, l'Amérique non républicaine, l'Amérique toujours et obstinément monarchiste.

KING OF AMERICA

L'Amérique du Nord britannique était —et demeure à ce jour, merci de nous le rappeler, professeur Kelly !— l'ultime bastion de la monarchie dans le nouveau monde. Hormis le Canada, sauf pour quelques îles et protectorats plus ou moins folkloriques, le continent est depuis belle lurette républicain (même s'il ne s'agit parfois que de républicanisme à saveur bananière) de la Terre de Feu jusqu'au quarante-cinquième parallèle. Il est par ailleurs assez impressionnant —mais nullement surprenant— de voir combien la réaction monarchiste britannique a été encouragée, confortée, assistée et supportée dans son entreprise de domination et de suppression de la pensée républicaine et « progressiste » au Québec par les élites canadiennes-françaises et ce, jusqu'à nos jours.

LE SECRET DU MOUVEMENT PERPÉTUEL : LE MOTEUR À RÉACTION !

Cette mouvance réactionnaire s'est toujours abreuvée aux sources troubles, non seulement de l'Action française, mais de la réaction antirépublicaine et antirévolutionnaire en général (on pense aux idéologies véhiculées par les légendes napoléoniennes et gaulliennes, toutes deux vouées essentiellement à la défense et à l'illustration des vertus de la prise du pouvoir par les militaires, mais aussi à leurs pendants britanniques, les sagas wellingtoniennes et churchilliennes).

Les tristes séquelles de ce colonialisme réactionnaire persistent jusqu'à maintenant : le Québec est toujours empêtré dans la tradition des « Rhodes scholars », ces nostalgiques orphelins du déclin de l'empire britannique sur lequel le soleil a bien fini par s'endormir. La même relation existe d'ailleurs avec l' « autre » mère-patrie, la France : les Bernard Landry d'aujourd'hui ont dûment étudié, comme les élites colonisées de l'Afrique francophone, à l'École nationale d'administration publique de Paris. Le pauvre Vallières s'était trompé là-dessus, comme sur bien d'autres choses : les Québécois n'étaient pas seulement les nègres blancs d'Amérique, ils étaient les seuls nègres d'Amérique à avoir des vrais rois nègres blancs dûment diplômés, agréés… et authentiquement royalistes !

COMMUNAUTÉS, COLLECTIVITÉS ET RÉALITÉ

SALMIGONDIS ET ABUS DE LANGAGE

Il faut faire attention aux « termes lourds » qu'on entend un peu partout : « action socio-communautaire », « prévention sociale », « prise en charge », « société civile » et le reste. Toutes ces expressions sont, au mieux, des termes et concepts mous utilisés à tort et à travers, mais avec une certaine bonne foi, par des gens qui en ignorent le sens. Mais dans la plupart des cas, ils sont utilisés sciemment par des spécialistes des sciences sociales appliquées qui font la promotion de divers modes de gestion et d'organisation des services (la plupart importés des États-Unis ou de France par des spécialistes de la désorganisation communautaire) qu'on fait passer pour des trouvailles du « mouvement communautaire » ou de la « société civile ». Un exemple parmi tant d'autres : le concept d'empowerment qui est servi à toutes les sauces, mais qui, la plupart du temps, n'est autre chose que de l'enfirouâpement pur et simple . Il me semble qu'il importe d'examiner le fond des choses.

COMMUNAUTAIRE, SYNDICATS ET COMPAGNIE : PRIVATISATEURS MALGRÉ EUX —

COMMENT FAIRE DE LA PRIVATISATION COMME MONSIEUR JOURDAIN DE LA PROSE

Débattre du fond des choses, ça veut dire se poser des questions sur le rôle que syndicats, organismes communautaires, regroupements, entreprises d'économie sociale, organismes artistiques et autres ont été amenés à jouer, par une série de glissements progressifs et « progressistes » du désir de rendre service, dans ce qui s'appelle en termes techniques le « third-party government », le « gouvernement par les tiers » .

En effet, qu'elles le veuillent ou non, qu'elles en soient conscientes ou non, des centaines, voire des milliers, de personnes bien intentionnées, adhérant aux « orientations » (on devrait plutôt parler de dérives que d'orientations !) qui ont cours chez la plupart des « organismes de la société civile » sont fermement (et souvent irréversiblement) engagées sur une pente fort savonneuse : la « livraison » de services à caractère public (le loisir, l'alphabétisation, l'intégration des nouveaux arrivants, l'éducation populaire, le développement local et régional, le soutien aux arts, les services sociocommunautaires, etc.) par des entités privées financées à même les deniers publics. L'éventail de ces entités privées est fort vaste : des simples « regroupements de citoyens » jusqu'à des « puissances » financières comme le Fonds de solidarité FTQ, en passant par les « organismes de bienfaisance », le « mouvement communautaire autonome » et les entreprises d'économie dite sociale. Toutes fonctionnent, en tout ou en partie, grâce aux fonds publics, soit directement grâce à des subventions, soit indirectement par le biais de contributions dites privées, mais assorties de diverses exonérations fiscales. La question devrait se poser : comment des organisations qui, il y n'y a pas si longtemps, parlaient de « casser le régime », voire de « prendre le pouvoir » en sont-elles venues à se transformer en sous-traitants de l'État et, dans une certaine mesure, en laboratoire des privatisations envisagées par les gouvernements et les administrations publiques ? Plusieurs ont parlé de capitulation ; certains ont parlé de trahison ; d'autres encore ont prétendu que tout cela était le résultat de l'infiltration de diverses organisations par les services dits de sécurité… on pourra en reparler à l'occasion.

Chose certaine, il y a une explication « bienveillante » à l'apparition de cette dynamique : tout ce monde-là est très confus. En effet, depuis quelques années, les organismes communautaires et « non gouvernementaux », les syndicats et les associations de toute sorte sont pris dans un véritable maelström : sommets, concertations, états généraux, consultations publiques, et tout et tout. Ce tourbillon est continuellement alimenté de rumeurs à propos du chambardement appréhendé des programmes de subvention, des lois et des politiques gouvernementales, des changements successifs de régime à Québec comme à Ottawa, et le reste et le reste… sans compter les « défis de la mondialisation » et les fusions, défusions et refusions municipales dont les impacts, surtout à Montréal, ne cessent de déstabiliser toutes le sphères d'activité. Pas besoin d'être Nostradamus pour deviner que « si la tendance se maintient », cette confusion va sévir pendant au moins quelques années. C'est pourquoi il importe d'essayer de se donner quelques repères un peu clairs.


« NOUS PARLONS DE… »

Commençons donc par rappeler quelques définitions. En effet, je suis de plus en plus convaincu que les dérives actuelles sont dans une certaine mesure attribuables à la confusion qui entoure des concepts de base. Nous commencerons par deux notions : « communauté et « collectivité » :

  1. La communauté, au sens le plus général du terme, c'est un « groupe social dont les membres vivent ensemble, ou ont des biens, des intérêts communs » . Plus précisément, les membres d'une même communauté sont unis par des liens d'intérêt ou des habitudes communes ; ainsi, « ce qui est bon pour tous l'est pour chacun ». C'est pourquoi les communautés ont tendance à devenir de plus en plus petites à mesure que les intérêts de chacun se précisent. La république étatsunienne (ce que d'aucuns appellent « Étatsunistan ») est une courtepointe de ce qu'ils appellent là-bas des communities. Comme l'écrivait Marc-Édouard Nabe, « les Américains vivent dans le plus petit pays qui soit : mon ghetto, ma maison, ma voiture, ma télé, mon chien, et mon frigo (le chien dans le frigo ?). Tout est réduit à sa plus simple expression. Un grand vide habite ce vaste espace. Et ce vide, il faut le cacher ! »
  2. Quant à la collectivité, c'est un « ensemble d'individus groupés naturellement ou pour atteindre un but commun » . Une nuance s'impose cependant : la collectivité « envisage l'ensemble des hommes comme formant une sorte d'être qui transcende l'individu en lui imposant des impératifs qui l'obligent à oublier totalement son propre intérêt ».


ABSTRACTIONS ET RÉEL

Quand on y réfléchit un peu, il appert que « les communautés » et « les collectivités » (au sens ou on en parle couramment sur la place publique) ne sont que des abstractions , qu'elles ne sont pas réelles. Ceci ne signifie pas que l'idée de communauté ou de collectivité, et notamment l'idéologie communautariste, n'ont pas des retombées tangibles, tangibles, « sonnantes et trébuchantes », comme on dit, surtout quand la superstructure et ses appareils idéologiques parlent en long, en large, en bien, en mal, mais surtout à tort et à travers des communautés et des collectivités au lieu de parler du réel.

Ce qui est réel, ce sont les gens qui habitent (avec ou sans domicile fixe) un quartier, un arrondissement, une ville, un pays ou le monde (en un mot le territoire) et les gestes qu'ils posent ou ne posent pas. Ces gens ont des besoins, des goûts, des traditions, des intérêts, des aspirations, des opinions, des croyances, des craintes, des préjugés ou des convictions qui les rapprochent et les éloignent, qui les unissent et les séparent, qui les regroupent et les divisent plus ou moins fortement, avec des effets plus ou moins heureux… et parfois catastrophiques . Mais cela ne signifie pas que les communautés ou les collectivités existent, sauf en tant que des termes qui réfèrent à des « ensembles » ou à des « sous-ensembles » qui correspondent à des « coupes » plus ou moins arbitraires pratiquées dans le tissu social, souvent avec des méthodes qui rappellent, dans le domaine social, celles utilisées par les professeurs Mengele ou Cameron dans d'autres champs d'expérimentation.

jeudi 27 septembre 2007

Comprendre le système politique du Québec — mise à jour

J'ai enfin eu le temps, au cours des derniers jours, de revoir et d'actualiser un texte de « référence rapide » à propos de « notre » système politique dont la première version remonte à 2003.

Contrairement à beaucoup de mes écrits, il ne s'agit pas de critique, ni d'invectives. C'est plutôt ce qu'aurait voulu l'inspecteur Joe Friday dans Dragnet (et comme ce qu'on voudrait tant que les ministres et leur entourage nous donnent) : « The facts, just the facts… ».

Il y est aussi question de choses pratiques : acheminement de pétitions à l'Assemblée nationale, présentation de mémoires en commission parlementaire, lobbyisme et le reste et le reste.

Le texte est disponible sur demande.

La cuisine mexicaine — éloge, lamentations, solutions et ressources

Même si j'ai quelques théories sur le sujet, je n'ai jamais vraiment compris le problème de la cuisine mexicaine à Montréal.

On a du Tex-Mex, quelques établissements genre boui-boui, plusieurs endroits qui vendent surtout des cocktails (margarita et le reste) avec parfois même une assez bonne qualité de guacamole et de choses semblables. Il y a quelques institutions comme la Guadalupe (rue Ontario), mais qui ne sont pas toujours très imaginatifs (au moins pour ce qui est du menu offert aux norteamericanos).

Mais la « grande » cuisine mexicaine dans toute sa subtilité et ses variantes régionales… c'est rare et même rarissime. Il y avait jadis le merveilleux, l'inoubliable Fandango (Saint-André et Roy) qui n'a pas résisté, malgré une qualité irréprochable et des critiques unanimement louangeuses, aux pressions économiques et autres. Œuf corse, il y a les « vrais » cuisiniers qui travaillent dans les « vrais » restos « ethniques »… mais comment les trouver avant que la gentrification et/ou les critiques gastronomiques (surtout quand elles sont élogieuses) n'entraînent leur fermeture ou leur vente à des intérêts fort peu enclins à investir dans la gastronomie.

Autre problème : nous, les clients. On veut que ça « pique », on trippe pas mal fort sur le « piment fort » (comme en témoignaient jadis les cotes d'écoute). Mais la « palette » des saveurs de la gastronomie mexicaine, on ne la connaît pas… et on ne s'éduque pas.

Que faire ? Il faudrait probablement des cours obligatoires d'éducation des papilles gustatives au primaire. Mais je ne vois pas notre ministre de l'Éducation, Mme Courchesne, réformer le curriculum en ce sens. On me dit qu'elle a d'autres priorités pour le moment…

Pour l'instant, ma solution est (relativement) simple :

  1. Graver dans sa mémoire les détails des meilleurs mets mexicains (ou réputés tels) qu'on croit avoir jamais dégustés (de préférence au Mexique, au Texas ou dans les environs).
  2. Se procurer quelques bons livres de cuisine (comme l'introuvable La Cuisine latino-américaine de Time-Life). Comparer les photos et ce qui est écrit et décrit avec les souvenirs gravés en mémoire.
  3. Trouver un épicier qui vend les éléments essentiels (piments ancho, chipotle, guadjillo et autres, des tomatillos vertes, du chocolat amer et tout le reste).
  4. Expérimenter, comparer, recommencer… autrement dit, faire le vrai travail de cuisine : tentative de contrôle des réactions chimiques et physiques, gestion des achats et des restes, prise de notes, modification des procédés… et, au bout du compte, parfois, le pur plaisir des sens.

Pour tout cela, un tuyau : il y a l'épicerie/sandwicherie/resto Chipotle & Jalapeño, 1481 Amherst (tout juste au sud du boulevard de Maisonneuve, dans une ancienne échoppe de parfumeur, à deux pas du défunt Area). Au téléphone : (514) 504 9015.

Pas trop amateur du manger sur le pouce (mais ça sent bon et ça « regarde bien »), je peux toutefois vous assurer que vous trouverez dans la section épicerie tout ce qu'il vous faut (piment, cactus, chocolat et le reste), et même, je crois, quelques exclusivités. Faites vite provision des merveilleuses salsas « hecho en Mexico » comme la Salsa Habanera Chimay (oui, oui, « Chimay », comme la bière, sauf que ça réfère à Industrias Maya Chantal), ou la Salsa Chipotle de marque Buffalo.

Ne manquez pas ça… pendant que c'est encore ouvert !

Relève artistique et prise de parole

J'ai été appelé à animer, lundi dernier (le 24 septembre) un atelier dans le cadre de la « Journée interdisciplinaire de la relève artistique montréalaise » organisée par le Conseil des arts de Montréal dans le cadre de la démarche « Outiller la relève artistique montréalaise 2005-2007 » dirigée par le Forum jeunesse de l'île de Montréal.

L'atelier avait pour thème « Prendre la parole pour influencer et même transformer le système culturel actuel ». Les panélistes, Annie Ranger théâtre), Catherine Nadeau (danse), Kim Robert (cirque), Marie-Josée Saint-Pierre (cinéma), Marilyn Perreault (théâtre) et Martin Choquette (coprésident de Diversité artistique Montréal), ont fait part de leurs tentatives d'influencer le cour des choses en prenant la parole en divers lieux, et notamment au sein de divers conseils d'administration. Plus de 20 personnes issues de divers milieux et de diverses disciplines (du chant de gorge à la bande dessinée) participaient à l'atelier. Les échanges furent asez intéressants et m'ont inspiré les réflexions et questions qui suivent :

  • Comment les artistes qui sont en tournée ou « en pleine création » font-ils pour s'impliquer et prendre la parole, que ce soit au sein des regroupements, syndicats et associations ou dans les concertations, instances locales, régionales ou autres ?
  • Sommes-nous déjà en train de créer au sein même de la relève, une clase de « professionnels de la représentation et de la prise de parole » ?
  • Ceux et celles qui « prennent la parole » détiennent-ils des mandats suffisamment clairs des personnes qu'ils représentent ?
  • Le rythme du « cycle décisionnel » des instances comme la Conférence régionale des élus (CRÉ) ou Culture Montréal, ou celui des consultations des gouvernements et des administrations municipales est-il compatible avec celui de la vie associative des regroupements d'artistes ?
  • Selon quels critères un artiste (ou un regroupement d'artistes) peut-il choisir les lieux d'implication ou de prise de parole ?
  • Comment un artiste peut-il évaluer la « valeur » ou l'« efficacité » de son implication et de ses interventions ?
  • Comment un groupe d'artistes (qu'il s'agisse d'un simple « collectif » ou d'un regroupement local, régional ou national) peut-il évaluer la nécessité de participer à telle ou telle activité de représentation et les retombées d'une activité de ce genre ?
  • Les activités liées à la prise de parole et à l'implication représentent un investissement substantiel de temps, de ressources et d'énergie (donc, directement ou indirectement, d'argent) pour l'artiste ou le groupe d'artistes). On parle souvent de la conciliation famille/travail. Peut-être faudrait-il réfléchir aux problèmes de conciliation pratique artistique/prise de parole.
  • Je m'inquiète d'entendre tant parler de « responsabilisation » des artistes. Comme si les artistes étaient irresponsables. Je m'étonne que l'on ne mentionne pas que la « responsabilisation » ne peut pas et ne doit pas être à sens unique : les pouvoirs publics et le monde des affaires ont eux aussi des responsabilités. Cette utilisation du mot « responsabilisation » me rappelle le discours tenu par les milieux gouvernementaux au monde communautaire il y a quelques années, et qui a présidé au désengagement de l'État de divers champs d'intervention. Je pense encore à ce que la « responsabilisation » a produit dans le domaine du « développement régional » à travers le Québec.
  • Je songe aussi à un autre aspect de la « responsabilisation » : la responsabilisation des spécialistes de la représentation et de la prise de parole (ces gens qui siègent à plusieurs conseils d'administration et que l'on retrouve dans tous les colloques et dans toutes les concertations) envers ceux et celles qu'elles prétendent représenter. Voici d'ailleurs un aspect de la « gouvernance » sur lequel il faudrait se pencher très attentivement.
  • Il faudrait aussi souligner que les jeunes, artistes ou pas, sont sollicités de toutes parts. Les occasions de prendre la parole et de s'impliquer sont multiples : conseils d'établissements scolaires ou de santé, conseils d'administration de centres de la petite enfance (CPE), organismes communautaires, groupes écologiques, etc.
  • De plus, comme tout citoyen, il arrive qu'un artiste (jeune ou pas) veuille participer ou assister aux débats de son conseil d'arrondissement ou d'autres instances semblables. S'il est membre (comme il se devrait) de l'un ou l'autre des syndicats d'artistes (UDA, Guilde, UNEQ, etc.), il est tout naturel (et important) qu'il participe à la vie syndicale (assemblées générales, comités, assemblées sectorielles, etc.). Tout ceci en plus du travail de recherche et de création, des réunions de production, des répétitions et du travail « alimentaire » qui est la plupart du temps précaire, occasionnel ou « sur appel ».
  • Enfin, il y a toujours la question de l'argent : en général, les artistes « individuels » participent bénévolement et à leurs propres frais aux activités de représentation, aux colloques, aux conseils d'administration, alors que les représentants d'organismes, d'associations et de syndicats sont souvent payés pour ce faire, ces activités faisant partie de leur « charge de travail » (il en va de souvent de même pour les gens du milieu des affaires, et c'est toujours le cas pour les fonctionnaires et le personnel politique)). Il y a ici, me semble-t-il, matière à réflexion.

samedi 22 septembre 2007

COMMENT RÉFORMER UNE FOIS POUR TOUTES LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Un peu d'histoire...

La RCMP a été créée en 1920, de la fusion de la Royal North West Mounted Police (RNWP) et de la Dominion Police (DP).

La DP avait été mise sur pied dès 1868 afin d’assurer la sécurité du parlement du Canada (le Canada était alors un « dominion », d’où le nom de ce corps policier). Il est probable que la création de la DP s’inscrivait dans le contexte de la lutte à la « menace terroriste » de l’époque. On s’en souvient, un des arguments des « pères de la Confédération » était la nécessité de contrer la « menace » des Fenians qui militaient pour l’indépendance de l’Irlande. Ces préoccupations n’étaient pas sans fondement : le 7 avril 1868, Thomas D’Arcy McGee, l’un des « pères de la Confédération » qui était considéré comme renégat dans les cercles Fenian, fut assassiné en plein Ottawa. Patrick James Whelan, reconnu coupable du meurtre, était soupçonné d’être en cheville avec les réseaux des Fenians.

Quant à la RNWP, ses origines remontent à 1873. Il s’agissait essentiellement d’une unité paramilitaire. Organisée selon le modèle des régiments de cavalerie britanniques, son nom, à l’origine, était « North West Mounted Police » (NWP). Le mandat de la NWP était d’« assurer la paix » dans l’Ouest canadien afin de protéger les intérêts de la Hudson’s Bay Company, des compagnies ferroviaires, des promoteurs des « Selkirk settlements » et dautres entrepreneurs du même acabit .

Dès les origines de la « Force », la confusion des rôles régnait : le « commanding officer » de la NWP agissait aussi comme juge de paix !

Certains « faits d’armes » de la NWP au Canada sont bien connus, notamment la répression menée contre Riel et les métis en 1885. Mais on est moins au fait de ses aventures à l’étranger.

Par exemple, la NWP a fourni le gros des « Canadian Mounted Rifles » qui ont combattu pour les Britanniques en Afrique contre les Boers. C’est pour remercier la NWP de ses loyaux services lors de cette guerre que la couronne britannique lui conféra le titre de « Royal Northwest Mounted Police ».

Les hommes de la RNWP continuèrent de combattre pour l’empire britannique au cours de la guerre 14-18. Après la fin de la guerre, ils firent le coup de feu contre l’Armée rouge aux côtés des troupes de Wrangel en Sibérie. À la même époque, la RNWP s’illustrait au pays en jouant un rôle crucial dans la répression de la grève générale de Winnipeg en 1919.

Après la fusion de la Dominion Police et de la RNWP, la RCMP continua dans la même veine : ses hommes tuèrent trois grévistes à Estevan (Saskatchewan) en 1931, mirent fin brutalement à la marche sur Ottawa (la On-to-Ottawa trek) en 1935… et ainsi de suite.

Le zèle des Mounties dans la chasse aux « communistes » et aux organisateurs syndicaux était tout à fait comparable à celui de la Police provinciale de Maurice Duplessis qui ne se gênait pas pour tirer sur les grévistes à Louiseville et ailleurs.

La tradition de la RCMP en matière de torture et de comportements illégaux n’a rien de neuf : on tend à oublier qu’en 1964, le diplomate John Watkins, soupçonné à tort de travailler pour les services de renseignement soviétiques, a trouvé la mort au cours d’un interrogatoire « musclé » mené par les inquisiteurs de la « force ».

Ce qui reste

La RCMP demeure une « force paramilitaire » ; elle a toujours un statut équivalent à un « regiment of dragoons ». Les recrues sont encore aujourd’hui soumises à un entraînement et à un « endoctrinement ») de type militaire. Les façons de faire de la RCMP en matière de discipline ressemblent davantage à un système de justice militaire qu’aux régimes de relations du travail qui existent au sein des forces policières dites « civiles ».

Conclusion

Le bottom line ? La RCMP est absolument irréformable ; des commissions « royales » et autres ont essayé, des « correctifs » ont été, dit-on, apportés à certaines pratiques. Ainsi, à cause d’abus flagrants, on a retiré à la RCMP la cueillette de renseignements dits « de sécurité » pour la confier au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). La réalité, c’est que le SCRS a été formé à partir des « anciens » des services de renseignement de la RCMP… et que la « culture d’entreprise » n’a pas changé d’un iota.

Solution

Pas besoin d’être Jean-Paul Brodeur pour identifier la seule solution : dissoudre la « force » au plus vite. For sure, il y a des problèmes, notamment le fait que la RCMP agit comme « police provinciale » à travers le Canada, sauf au Québec et en Ontario. Il suffirait au gouvernement fédéral de retourner aux provinces l’argent épargné par l’abolition de la gendarmerie ; elles pourraient se doter de corps policiers « provinciaux ». Les installations, le matériel et tout le fourbi de la force (même les chevaux !) pourraient être réparties entre les provinces et les territoires selon leurs besoins. La sécurité du parlement d’Ottawa et des parlementaires pourrait être asurée par une « force » civile spécialisée. Quant à la sécurité des « installations fédérales » réparties a mare usque ad mari, il y a déjà le Corps canadien des commissionnaires et les agences privées qui font le travail… Pour ce qui est des représentants et représentantes de la Reine (gouvernante générale et consorts), les Forces armées y voient, comme il se doit.

Pour ce qui est du reste, il faudrait purger le SCRS et le Service canadien de renseignements criminels (SCRC) et les autres agences de la « mentalité RCMP », ou, mieux encore, mettre à la retraite tous les « vétérans » de la RCMP qui y sévissent encore.

Enfin, il faudrait rendre, de façon générale, les services de répression et de renseignement véritablement « imputables ». Ceci devrait s’étendre aux activités du Centre de sécurité des télécommunications du Canada (CST), des services de renseignement des Forces armées canadiennes… sans oublier leurs « collaborateurs » au sein des corps policiers provinciaux et municipaux.

Comme disait la poétesse, Bye bye, mon cowboy !

Quand les aéroports civils se militarisent

COPIE DE CORRESPONDANCE AU CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS EN DATE DU 15 AOÛT DERNIER — sans réponse à ce jour...


En route pour Saint-Pierre et Miquelon, nous faisions escale à Saint John’s Newfoundland (Je ne suis toujours pas capable d’écrire, ni de prononcer « Newfoundland and Labrador »… comment le Québec d’aujourd’hui peut-il tolérer cela ? Face à cela, Duplessis, au moins, aurait fait, certainement pas l’indépendance, mais au moins une sainte colère… o tempora, o mores !).

Au cours du lay-over de quelque deux heures à Saint John’s, nous avons pu assister (en début d’après-midi) à l’atterrissage de quatre C-130 de l’aviation militaire américaine. Des camions-citernes Esso se sont empressés de venir les ravitailler, cependant que des fourgonnettes emmenaient les passagers et/ou l’équipage (et leurs kit-bags) on ne sait où.

Quinze jours plus tard, lors du vol de retour, nous avons constaté (à l’heure du souper) que des C-130 étaient stationnés sur le tarmac du même aéroport.

Voici les questions qui me travaillent :

· Depuis quand et selon quelle(s) entente(s) les forces armées américaines peuvent-elles utiliser des aéroports civils canadiens pour des opérations de ce type (à ce que je sache, il y a des aéroports militaires pour cela -je sais que l’aéroport de Saint John’s était à l’origine un aéroport militaire, il y a donc peut-être des « droits acquis » pour les « forces »- -il se peut aussi qu’il s’agisse d’un contrat « privé » entre « l’administration aéroportuaire » et dieu sait qui--) ?

· Y a-t-il d’autres aéroports civils canadiens qui accueillent ainsi des aéronefs militaires américains ?

· A-t-on mis en place des mesures de sécurité afin de protéger l’aéroport de Saint John’s, ses utilisateurs civils, et le cas échéant, les autres aéroports civils concernés (à ce que je sache, les USA sont en guerre, et je ne voudrais pas devenir, lors d’un prochain transit par Saint John’s ou ailleurs, un « dommage collatéral » si quelqu’un qui en voulait aux USA -et ce n’est pas ça qui manque- s’avisait de s’en prendre aux cibles militaires que constitueraient à ses yeux des C-130 en plein ravitaillement –on peut imaginer les dégâts s’il s’agissait de C-130 remplis à bloc de kérosène en vue d’opérations de ravitaillement en vol-) ?

Que l’accueil, qui semble régulier, de ces appareils soit « permis » ou non, le fait demeure : cette pratique, dans le contexte actuel, peut faire d’un aéroport civil une cible militaire. Il serait donc normal que le gouvernement agisse en conséquence et le fasse savoir (question que ceux et celles qui, notamment à Saint John’s et Halifax, portent des T-shirts qui proclament leur « appui à la mission » comprennent bien les conséquences –et les coûts réels- de cette dernière).

Que les Rambos « professionnels » de Gagetown, de Valcartier, de Petawawa ou d’ailleurs aillent se faire sauter (dans tous les sens du terme : il paraît que c’est effectivement ce qu’ils –et elles- font) en Afghanistan, c’est une chose… mais prendre des chances avec la vie des civils, c’est une autre affaire.

Je comprends que le Bloc ne veuille pas voter pour mettre fin à la « mission » tout de suite pour diverses raisons qui lui appartiennent.

Mais il demeure que, compte tenu de toutes les « inconnues » (comme les C-130 à Saint John’s et probablement ailleurs), la prudence la plus élémentaire dicte que « nous » nous retirions de la « mission » très rapidement.

Je suggère d’ailleurs à tous et à toutes de lire (ou de relire) le New York Times de dimanche dernier qui présentait un charmant résumé des pertes encourues par la « coalition » en Afghanistan…

vendredi 21 septembre 2007

La Raison exilée en Amérique

Pour reprendre le fil : Hegel (encore lui, toujours lui !) voyait l’Amérique de son temps comme l’avenir du déploiement de la raison : non pas comme le terrain où la raison avait triomphé, mais comme le terrain où la raison avait tout à faire. En effet, Hegel portait sur l’Amérique le sévère jugement suivant : « en Amérique règne le plus incroyable déploiement de fabulations de toute sorte »[1]. Et dire qu’il n’avait pas vu un seul épisode des X-Files, de Six Feet Under, ni de Star Académie !


[1] La Raison dans l’Histoire

jeudi 20 septembre 2007

Quand j'entends le mot «société civile», je sors mon dictionnaire!

1. Depuis quelques années, on parle beaucoup de « société civile », de « collectivités » et de « communautés ». Il s’agit là de concepts mous utilisés à toutes les sauces, tant par les « gens de gauche » qui disent s’opposer, par exemple, à la mondialisation que par les « gens de droite » près de mouvances assimilées, par exemple, au communautarisme et à la mondialisation.
2. Les apprentis sorciers (et sorcières) qui se mobilisent sous l’enseigne de la « société civile » doivent être rappelés à l’ordre. Pour ce faire, il ne faut pas lésiner sur les moyens : nous allons utiliser l’artillerie lourde. Rien de mieux que le vieil Hegel, celui qui avait si justement identifié l’Amérique comme « l’avenir du déploiement de la raison »… et qui a du même coup identifié les limites de la « société civile » parce que, selon lui, en Amérique l’État était résorbé dans la société civile. [1]

3. Dans l’Encyclopédie, Hegel décrit ainsi la société civile : « une simple corrélation universelle, médiatrice, entre des extrêmes autonomes et leurs intérêts particuliers ; la totalité de cette corrélation, développée en elle-même, est l’État comme société civile, comme État extérieur.[2] » Cet État extérieur, c’est « l’État du besoin et de l’entendement »[3]. Et qu’y a-t-il au cœur de la société civile? C’est tout simple : « La personne concrète, mélange de nécessité naturelle et de volonté arbitraire est le principe premier de la société civile.[4] » Dans la société civile, « les individus sont des personnes privées qui ont pour but leur intérêt propre.[5] »

4. Pour Hegel, la société civile est un produit spécifique de la modernité, de cette époque où la société bourgeoise a su se séparer complètement de l’État. Hegel nous met en garde contre la société civile, cette société bourgeoise : pour lui, si aucune entrave ne gêne l’activité de cette société, « on peut la concevoir comme une croissance continue de la population et de l’industrie ». Pour Hegel, il s’agissait là d’un péril grave, car « […] malgré son excès de richesse, la société civile n’est pas assez riche, […] elle ne possède pas assez de biens pour payer tribut à l’excès de misère et à la plèbe qu’elle engendre. »



[1] Soit dit en passant, il est toujours bon de revenir à Hegel. Même Camus disait que « la première critique fondamentale de la bonne conscience, nous la devons à Hegel. »
[2] Encyclopédie, § 523
[3] Philosophie du droit, § 183
[4] Philosophie du droit, § 182
[5] Philosophie du droit, § 187

Les conditions de (sur)vie et de travail des artistes

  1. Le débat qui entoure les relations entre les artistes et les personnes et entreprises qui les exploitent (et vice versa) est parsemé de chausse-trappes. Dès qu’on mentionne « production », « autoproduction », « diffusion » ou quelque variation sur ces termes, on entre en terrain plus miné que les abords de Kandahar.
  2. À bien des égards, il s’est avéré que la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma est un mauvais texte de loi. Exactement ce que décrivait Zappa quand il parlait de « laws […] badly written and randomly enforced ».

a. Pour ce qui est de « badly written », il suffit de voir le « flou artistique » du « législateur » qui fait qu’un producteur peut prétendre (avec succès) qu’il n’est pas un producteur sous prétexte qu’il se présente comme « diffuseur » [1]. Encore mieux : les termes de la merveilleuse loi permettent aussi à l’ADISQ de prétendre « en toute bonne foi » que les chefs d’orchestre ne sont pas des artistes… Ce mauvais texte a causé plus de préjudices aux artistes et à l’ensemble des artisans, travailleurs et travailleuses du domaine des arts, de la culture et des communications que les lois sur les élections aux porteuses de niqab. Mais comme il ne s’agit, après tout, que de l’industrie du divertissement, aucun élu, ni aucun membre de la « société civile » n’a manifesté l’intention d’en revoir le contenu. Et ce ne sont pas les « associations d’artistes » reconnues qui vont le faire : contrairement au Code du travail qui permet un tant soit peu la diversité syndicale, ce texte de loi garantit (un peu comme les lois qui encadrent l’agriculture) des monopoles, non pas syndicaux, mais corporatistes aux « premiers arrivés, premiers servis ». Pour ce qui est des artistes, il y a belle lurette qu’ils ont compris qu’il ne fallait pas parler de ces choses-là si on voulait continuer à travailler !

b. Quant au « randomly enforced », on peut le constater en lisant les inénarrables décisions de la CRAAAP et les décisions des tribunaux d’appel qui en ont été saisis.

  1. Dire que jadis, il existait, entre autres, une chose fort simple : un décret qui régissait les conditions de travail des musiciens dans la région de Montréal (oui, oui, comme pour l’entretien ménager, la coiffure, le verre plat et que sais-je encore : un décret, avec un comité paritaire, des inspecteurs et tout et tout…). Bien sûr, quelque chose de pas parfait, qui fonctionnait efficacement surtout pour les « gros » hôtels, cabarets, restaurants, etc… mais au moins quelque chose qui offrait aux artistes un minimum « automatique » de protection et de recours, avec une « vraie police » qu’on pouvait appeler quand le boss tirait un peu trop sur le spring.
  2. La «ligne officielle» des associations d'artistes (l'Union des artistes, la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec et les autres) est que la Loi est un outil dont elles peuvent se servir. À bien des égards, elles ont raison, selon le vieux principe, «if it ain't broke, don't fix it». Mais, comme disait mon (vrai) oncle Antoine, "Si l'égoïne est pas droite pis bien aiguisée, la meilleure main du monde va couper croche." Et ça, on ne s'en rend pas toujours compte tant qu'on n'a pas frappé un nœud.

[1] Souvenons-nous tous —et toutes— que la «marraine» de la loi, Mme Frulla ci-devant Hébert était issue du milieu des diffuseurs (dans son cas, la radiodiffusion), dont le texte de loi évite soigneusement de parler.

Extrait de correspondance: privatisation, IÉM et Hydro

NOTE

Le 30 août dernier, Maisonneuve en direct donnait la parole à des partisans de la privatisation d'Hydro Québec, dont un certain Garcia relié à l'Institut économique de Montréal.
Il a bien fallu réagir.
Voici, pour mémoire, ce que j'écrivais à l'équipe de l'émission.


Certes, comme le disait Maisonneuve, des hurluberlus comme Garcia et les bouffons de l’IÉM ont bien le droit de dire ce qu’ils veulent.

Toutefois, les médias (et surtout la radio publique) ne sont absolument pas obligés de prendre ces gens-là au sérieux, ni de leur offrir gracieusement une tribune qui jouit (encore) d’un certain prestige. Ils ont même, me semble-t-il, le devoir de ne pas le faire… tout au plus devrait-on reléguer ces énergumènes-là, comme les Doc Mailloux (lui aussi bardé de diplômes), aux émissions comme Tout le monde en parle où tout le monde sait que tous ceux qui apparaissent sur le plateau sont des amuseurs publics qui essaient de nous vendre quelque chose (un livre, un film, une idée, une « image » et le reste et le reste) dont nous n’avons peut-être pas besoin.

Sur le fond de la chose : on sait ce que ça donne, le privé dans le domaine de l’énergie. Ça donne des choses édifiantes comme le scandale Enron. Ça donne des tarifs exorbitants comme à New York. Ça donne ce que ça donnait au (pas trop) bon vieux temps de la Shawinigan Water and Power, de l’Abitibi Power et de tout ce beau monde-là. Et on voit déjà le beau bordel que le secteur privé d’Hydro, l’éolien, est en train de créer.

Hydro, c’est de l’infrastructure (entre autres, des barrages). Et on sait comment le privé prend soin des infrastructures à caractère public : demandez-le au bon maire Tremblay.

Oui, il y a de graves problèmes chez Hydro, surtout (mais pas seulement) à cause de ce que la « gang du Gaz » (comme certains, « à l’interne », appellent encore Caillé, Vandal et consorts) a fait… mais on n’a surtout pas besoin du privé pour régler cela. On a juste besoin d’un bon gouvernement déterminé à remettre la nomenklatura hydro-québécoise à sa place en lui rappelant que si, il y a longtemps, les Québécois se sont mobilisés sous la bannière « Maîtres chez nous ! », personne n’a jamais voté pour qu’Hydro soit maître au Québec.

Au fond, la vraie raison pour laquelle Garcia et les autres veulent revenir sur la nationalisation de l’électricité est probablement celle-ci : pour ces bien-pensants (ces « gens de bien et de biens », comme aurait dit Guillemin), il faut que la génération d’aujourd’hui sache que, lorsque les « électeurs-électrices-électricité » des années soixante ont voté massivement pour la mesure « socialiste » de nationalisation de l’électricité, ils ont fait une grave erreur. Pis encore, ils ont perpétré un crime de lèse-secteur-privé.

Il y a toutefois une différence entre la garde descendante représentée par Garcia et la garde montante regroupée autour de l’IÉM. Les gens comme Garcia ne craignent ni le passé, ni l’avenir : ils ont largement profité du premier, et leur retraite est assurée pour ce qui est du second. Ils n’ont rien à perdre. Mais les arrivistes de l’IÉM et leurs semblables, eux, veulent assurer leur avenir : il ne faudrait surtout pas que la nouvelle génération ait, si on lui en donnait la chance, l’idée de voter pour une nouvelle « équipe du tonnerre » qui n’hésiterait pas à « aller aux urnes » pour clouer le bec aux intérêts privés.

Évidemment, il n’y a aucun danger que l’occasion se présente bientôt.

Je gagerais que chez ces gens-là on pense « grand » : en faisant disparaître Hydro-Québec (et en oblitérant, si possible, sa raison sociale même), on s’assurerait que les « nouveaux arrivants » n’aient pas à apprendre qu’il était une fois… une majorité de gens qui habitaient le territoire de ce qui était alors la « Belle province » qui osèrent défier (bien timidement, mais quand même) ceux qui prônaient l’évangile du tout-au-privé. Et que, parmi ces gens-là, il y avait des travailleurs de la Shawinigan Water and Power et des autres merveilleuses entreprises privées. On parle ici de chauffeurs de camion, de monteurs de lignes, d’employés de bureau et bien d’autres : du « petit monde », du « monde ordinaire », des gens qui auraient été conspués par les prof Bouchard de l’époque. Ils (et elles) n’ont pas hésité à mettre leurs emplois en jeu en militant en faveur de la nationalisation. Le plus souvent, leurs familles les ont soutenus ; dans certains cas, et des familles ont été déchirées par le débat.

Dans bien des cas, ces hommes et ces femmes ont été beaucoup plus courageux que les soldats qui vont se faire envoyer en l’air (dans tous les sens du terme, me dit-on) à Kandahar et ailleurs. Mais ça, c’est une autre histoire.

Le Québec : identité et boomers

Le Québec souffre d’une crise d’identité qui n’a rien à voir avec les questionnements liés à l’immigration, la mondialisation ou que sais-je encore. Le Québec, le Québec du « nous » (comme ils disent) a de graves problèmes d’identité : il veut être gouverné à la fois par Colbert et par Bigot, par Duplessis et par Lesage, par Trudeau et par Lévesque. Il se reconnaît autant dans Pax Plante que dans Mom Boucher. On ne peut d’ailleurs s’attendre à autre chose d’une société dont l’idéologie s’est constituée à l’enseigne d’une historiographie qui fait rimer révolution avec Napoléon et qui continue à confondre ce qui est populiste et ce qui est populaire…

Il nous faut bien dresser un sévère constat général d’échec à propos de ce qu’ont ou n’ont pas accompli les baby-boomers québécois. On a beaucoup parlé, un peu écrit et surtout rien compris à propos de cette engeance. Certains ont semblé, jadis, faire un effort en ce sens : on pense aux diatribes à l’endroit des boomers lancées par Richard Martineau et quelques autres, ou encore aux invectives du Manifeste des Innommables ou d’Acceptation globale. Mais, somme toute, ces critiques n’eurent que bien peu d’impact. Aujourd’hui, Martineau est devenu une sorte d’Alain Dubuc, la mauvaise conscience post-trotskyste en moins. Pour leur part, les Innommables ont pris leur place (précaire certes, mais place tout de même) au panthéon de l’édition québécoise, tandis que les auteurs d’Acceptation globale fouettent d’autres chats. Personne n’a encore critiqué vraiment et en profondeur les boomers québécois et la veulerie de cette génération maudite (la mienne) dont le seul tour de force en a été un de taille : avoir réussi, contre toute attente, à ne pas faire l’indépendance du Québec.

La révolution permanente de la bourgeoisie

L’époque actuelle a démontré de façon éclatante, s’il en était encore besoin, la pertinence des propos de Marx au sujet de la nature profondément révolutionnaire de ce qu’il appelait à l’époque « la bourgeoisie ». Ce que Marx ne pouvait prévoir, c’est que la « bourgeoisie » de son temps n’était que l’embryon, le précurseur, d’une engeance d’un type nouveau qui commence à peine à se manifester pleinement, qui arrive aujourd’hui à maturité avec le capitalisme postmoderne. En effet, qu’avons-nous vu dans le monde, « de mémoire d’homme », sinon l’action de ce que Marx décrivait comme la « classe révolutionnaire par excellence [...] qui ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production » ?

Mieux (ou pis) encore : les néo-bourgeois ne peuvent exister sans révolutionner constamment, non seulement les instruments de production, mais aussi les instruments de représentation de la production, et notamment la comptabilité. D’où l’« affaire Enron », les « scandales financiers » en série et les crises de liquidités des dernières années. C’est parce que la bourgeoisie contemporaine ne peut, sous peine de mettre en péril son hégémonie, cesser de révolutionner tout qu’elle est dans une perpétuelle fuite en avant.

L'âge du ressentiment

Il y eut jadis l’époque du risorgimento, l’ère du renouveau. Notre époque, comme disait Eric Hobsbawm, est l’époque du risentimento, l’ère du ressentiment. C’est le ressentiment qui inspire toutes les « démarches citoyennes » dont on ne connaît que trop les leitmotiv : « pas dans ma cour », « c’est pas vrai qu’ils vont faire ça » et ainsi de suite. C’est une mer de ressentiment sur laquelle surfent les représentants auto-proclamés de la « société civile ». Or, le ressentiment est essentiellement fondé sur la réaction. Il n’est donc pas surprenant que cette époque soit une époque essentiellement, voire radicalement réactionnaire. Dans ce monde où on prétend, contre toute évidence, que « tout baigne », toute action appelle une réaction… terrible rencontre d’Archimède et de Newton !

La liberté n'est plus sur les remparts !

La liberté ne guide plus le peuple sur les remparts comme elle l’a fait, dit-on, jadis.

La « liberté » contemporaine, celle de l’économie, du free trade, de la croissance personnelle et de l’épanouissement par le travail n’est qu’une liberté (de plus en plus étroitement) surveillée. Contrairement au mur de Berlin, les remparts réels du vieux monde, ceux qui enferment les hommes et les femmes de ce temps dans l’« économie », ne sont pas écroulés.

C’est la liberté, ou plutôt l’aspiration à la liberté, l’exigence de liberté, qui s’est fragmentée en une série de réclamations, de récriminations de réactions et de tout le reste... On connaît la chanson et les rengaines et variations sur le thème : droit de faire ceci ou cela, droit de ne pas avoir à entendre, sentir ou goûter ceci ou cela… et ainsi de suite. Résultat : comme certaines monnaies, la liberté subit dévaluation après dévaluation. Et elle risque de connaître le sort des monnaies trop et trop souvent dévaluées : elle risque de n’avoir tout simplement plus cours.

La « liberté » contemporaine n’est pas sur les remparts : elle rampe.

C'est la faute au café !

Le taxi fait du slalom entre les nids de poule, les messagers à bicyclette et autres périls urbains. Par-dessus l'épaule, le chauffeur me lance : « Regardez-moi comme tout le monde est sur les nerfs ! Ça klaxonne, ça se coupe, les piétons pis les cyclistes ont pas plus d’allure ! »


Nous évitons deux ou trois des énervés en question et il continue : « Vous savez pourquoi c’est comme ça ? » Humblement, je suggère que c’est le rythme du travail, le stress, la vie moderne quoi. Mais je n’y étais pas du tout.


Au carrefour suivant, il me montre un Café Dépôt, un Second Cup, un Starbucks et un Van Houtte, tous stratégiquement placés. « Les voilà, les responsables de l’énervement collectif : les maudits vendeurs de café. Le monde n’arrête pas de prendre de plus en plus de café : c’est pour ça qu’ils sont de plus en plus énervés ! Dans le temps, on n’avait pas de joints à café à tous les coins de rue : on avait des tavernes. Les gens étaient pas mal plus relaxes quand ils prenaient une couple de p’tites bières au lieu d'une série de doubles espressos.» Et puis, quand ils étaient trop chauds, ils prenaient le taxi au lieu de s'énerver derrière leur volant ou leur guidon...»

mercredi 19 septembre 2007

19 septembre — Ça commence !

Comme si la blogosphère avait besoin d'un blog de plus... mais allons-y ! Hic Rhodus, hic salta : voici Rhodes, il faut que ça saute !

Vous trouverez ici des commentaires, des analyses et beaucoup d'autres choses. Nos principales préoccupations seront les arts, la culture, les communications, la technologie et la «chose sociale» en général.